XIII

La traversée dura près de quatre heures ; au large, le vent était fort et la mer grosse, la baleinière se remplit d’eau.

Les deux chats passagers, fatigués de crier, s’étaient couchés tout mouillés auprès des deux petites filles, qui ne donnaient plus signe de vie. Tout trempés, nous abordâmes loin du point que nous voulions atteindre, dans une baie voisine du district de Papetoaï, pays sauvage et enchanteur, où nous tirâmes la baleinière au sec sur le corail.

Il y avait très loin, de ce lieu au district de Mataveri qu’habitaient les parents de Taïmaha et le fils de mon frère.

Le chef Tauïro me donna pour guide son fils Tatari, et nous partîmes tous deux par un sentier à peine visible, sous une voûte admirable de palmiers et de pandanus.

De loin en loin nous traversions des villages bâtis sous bois, où les indigènes assis à l’ombre, immobiles et rêveurs comme toujours, nous regardaient passer. Des jeunes filles se détachaient des groupes, et venaient en riant nous offrir des cocos ouverts et de l’eau fraîche.

A mi-chemin, nous fîmes halte chez le vieux chef Taïrapa, du district de Téharosa. C’était un grave vieillard à cheveux blancs, qui vint au-devant de nous appuyé sur l’épaule d’une petite fille délicieusement jolie.

Jadis il avait vu l’Europe et la cour du roi Louis-Philippe. Il nous conta ses impressions d’alors et ses étonnements ; on eût cru entendre le vieux Chactas contant aux Natchez sa visite au Roi-Soleil.

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