XXX

C’était le dernier jour…

Le soleil d’Océanie s’était levé aussi radieux qu’à l’ordinaire sur « Tahiti la délicieuse » ; ce que souffrent dans leur cœur les hommes qui passent et disparaissent n’a rien de commun avec l’éternelle nature, et n’entrave jamais ses fêtes inconscientes.

Depuis le matin nous étions debout tous deux, et bien empressés. Les préparatifs du départ apportent souvent une diversion heureuse à la tristesse de ceux qui vont se quitter, et ce cas était le nôtre…

Il nous fallait emballer le produit de toutes nos pêches, de toutes nos expéditions sur les récifs ; tous nos coquillages, tous nos madrépores rares, qui, en mon absence, avaient séché sur l’herbe du jardin, et ressemblaient maintenant à de grands lichens fins et compliqués plus blancs que de la neige.

Rarahu déployait une activité extrême, et faisait beaucoup d’ouvrage, ce qui n’est point habituel aux femmes tahitiennes ; tout ce mouvement trompait sa douleur. Je sentais bien que son cœur se déchirait en me voyant partir ; je la retrouvais elle-même, et je reprenais un peu de confiance et d’espoir…

Nous avions à emballer une quantité d’objets, une foule de choses qui eussent fait sourire beaucoup de gens : des branches des goyaviers d’Apiré, des branches des arbres de notre jardin, des morceaux de l’écorce des grands cocotiers qui ombrageaient notre case…

Plusieurs couronnes fanées de Rarahu, toutes celles des derniers jours, faisaient aussi partie de mon bagage, avec des gerbes de fougères, et des gerbes de fleurs. Rarahu y ajoutait encore des touffes de reva-reva, renfermées dans des boîtes de bois odorant, et de délicates couronnes en paille de peïa, qu’elle avait fait tresser pour moi.

Et tout cela emplissait des caisses en quantité, tout cela constituait un train de départ énorme…

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