Le soir, Rarahu et moi, nous étions assis sous la véranda de notre case ; on entendait partout dans l’herbe les bruits de cigales des soirs d’été. – Les branches non émondées des orangers et des hibiscus donnaient à notre demeure un air d’abandon et de ruine ; nous étions à moitié cachés sous leurs masses capricieuses et touffues.
– Rarahu, disais-je, ne veux-tu plus croire au Dieu de ton enfance, qu’autrefois tu savais prier avec amour ?
– Quand l’homme est mort, répondit lentement Rarahu, et enfoui sous la terre, quelqu’un pourrait-il l’en faire sortir ?
– Pourtant, dis-je encore, en me rattachant à certaines croyances sombres qu’elle n’avait pas perdues, – pourtant tu as peur des fantômes ; tu sais bien qu’à cette heure même, autour de nous, dans ces arbres, peut-être il y en a…
– Ah ! oui, dit-elle avec un frisson, – après, il y a peut-être le Toupapahou ; après la mort, il y a le fantôme qui, quelque temps, paraît encore, et rôde incertain dans les bois ; – mais je pense que le Toupapahou s’éteint aussi, quand, à la longue, il n’a plus de forme sous la terre, – et qu’alors c’est la fin…
Je n’oublierai jamais cette voix fraîche d’enfant, prononçant dans sa langue douce et singulière d’aussi sombres choses…