Elle attendait, elle, avec une grande anxiété ce retour.
Dès qu’il entra, elle vit bien qu’il ne l’avait pas retrouvée, la vieille montre qui sonnait.
Il avait l’air si sombre, qu’elle pensa que probablement il allait la tuer.
Elle comprenait cela ; – elle, si on lui avait pris une certaine amulette racornie, la plus précieuse qu’elle avait, que sa mère lui avait donnée quand elle était toute petite, en Galam, – oh ! elle se serait jetée sur le voleur, et l’aurait tué si elle avait pu.
Elle comprenait bien qu’elle avait fait là quelque chose de très mal, poussée par les mauvais esprits, par son grand défaut de trop aimer la parure. – Elle savait bien qu’elle était méchante. – Elle était fâchée d’avoir fait tant de peine à Jean ; cela lui était égal d’être tuée, – mais elle aurait voulu l’embrasser.
Quand il la battait, elle aimait presque cela maintenant, parce qu’il n’y avait guère que dans ces moments-là qu’il la touchait, et qu’elle pouvait le toucher, elle, en se serrant contre lui pour demander grâce. – Cette fois, quand il allait la prendre pour la tuer, comme elle n’aurait plus rien à risquer, elle mettrait toutes ses forces pour l’enlacer, et tâcher d’arriver jusqu’à ses lèvres ; après elle se cramponnerait à lui en l’embrassant jusqu’à ce qu’elle fût morte, – et cela lui serait égal.
………………………
S’il avait pu déchiffrer, le pauvre Jean, ce qui se passait dans ce petit cœur sombre, sans doute, pour son malheur, il aurait pardonné encore ; – ce n’était pas difficile de l’attendrir, lui.
Mais Fatou ne parlait pas, parce qu’elle comprenait que tout cela ne pouvait pas s’exprimer, et l’idée de cette lutte suprême où elle allait le tenir et l’embrasser, et mourir par lui, ce qui finirait tout, – cette idée lui plaisait ; – et elle attendait, fixant sur lui ses grands yeux d’émail, avec une expression de passion et de terreur.
Mais Jean était rentré, et il ne lui disait rien ; – il ne la regardait même pas, – alors elle ne comprenait plus.
Il avait même jeté sa cravache en entrant, – parce qu’il était honteux d’avoir été brutal avec une petite fille et qu’il ne voulait pas recommencer.
Seulement il s’était mis à arracher toutes les amulettes pendues aux murs et les jetait par les fenêtres.
Puis il prit les pagnes, les colliers, les boubous, les calebasses – et, sans rien dire toujours, il les lançait, dehors sur le sable.
Et Fatou commençait à comprendre ce qui l’attendait ; elle devinait que tout était fini, et elle était atterrée.
Quand tout ce qui était à elle fut dehors, éparpillé sur la place, Jean lui montra la porte, en disant simplement, entre ses dents blanches serrées, d’une voix sourde qui n’admettait pas de réplique
– Va-t’en ! ! !
Et Fatou, la tête baissée, s’en alla sans rien dire. Non, elle n’avait rien imaginé d’aussi horrible que d’être chassée ainsi. Elle se sentait devenir folle, – et elle s’en allait sans oser lever la tête, sans trouver un cri à pousser, ni un mot à dire, ni une larme à verser.