XXXVI

Alors Jean se mit à ramasser avec calme tout ce qui était à lui, à plier ses effets soigneusement, comme pour faire son sac de soldat ; il empaquetait avec soin, par habitude d’ordre prise malgré lui au régiment, – et se dépêchait tout de même, de peur d’être pris de regret, et de faiblir.

Il se sentait un peu consolé par cette exécution terrible, par cette satisfaction donnée à la mémoire de la vieille montre ; – heureux d’avoir eu définitivement ce courage, se disant que bientôt il embrasserait son père, lui conterait tout pour avoir son pardon.

Puis, quand il eut fini, il descendit chez Coura-n’diaye, la griote. – Il vit Fatou qui s’était réfugiée là, immobile, accroupie dans un coin. – Les petites esclaves avaient ramassé ses affaires dehors, et les avaient mises dans les calebasses près d’elle.

Jean ne voulut même pas la regarder. – Il s’approcha de Coura-n’diaye, paya son mois en prévenant qu’il ne reviendrait plus ; puis il jeta son léger bagage sur ses épaules, et sortit.

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Pauvre vieille montre. Son père lui avait dit : « Jean, elle est un peu ancienne, mais c’est une très bonne montre, et on n’en fait peut-être plus d’aussi bonnes aujourd’hui. Quand tu seras riche, plus tard, tu t’en achèteras une à la mode si tu veux, mais tu me rendras celle-là ; il y a quarante ans qu’elle est avec moi, je l’avais au régiment, – et quand on m’enterrera, si tu n’en veux plus, ne manque pas de la faire mettre dans ma bière ; elle me tiendra compagnie là-bas… »

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Coura-n’diaye avait pris l’argent du spahi sans faire de réflexions sur ce congé brusque, avec son indifférence de vieille courtisane revenue de tout.

Quand Jean fut dehors, il appela son chien laobé qui le suivit l’oreille basse comme comprenant la situation, et fâché de partir. Puis il s’en alla sans tourner la tête, descendant les longues rues de la ville morte, dans la direction du quartier.

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