Le spahi lui jeta un regard distrait :
– Fatou-gaye, dit-il, dans un mélange de français créole et d’yolof, ouvre le coffre, que j’y prenne mon argent ?
– Tes khâliss !… (tes pièces d’argent !), répondit Fatou-gaye, en ouvrant de grands yeux blancs dans les paupières noires. Tes khâliss !… répéta-telle, avec ce mélange de frayeur et d’effronterie des enfants pris en faute qui craignent d’être battus.
Et puis elle montra ses oreilles, auxquelles pendaient trois paires de boucles en or admirablement travaillées,
C’étaient de ces bijoux en or pur de Galam, d’une délicatesse merveilleuse, que les artistes noirs ont le secret de façonner à l’ombre de petites tentes basses, sous lesquelles ils travaillent mystérieusement, accroupis dans le sable du désert.
Fatou-gaye venait d’acheter ces objets depuis longtemps convoités, et là étaient passés les khâliss du spahi : une centaine de francs amassés petit à petit, le fruit de ses pauvres économies de soldat, qu’il destinait à ses vieux parents.
Les yeux du spahi jetèrent un éclair, – et il prit sa cravache pour frapper, – mais son bras tomba désarmé. Il se calma vite, Jean Peyral ; il était doux, surtout avec les faibles.
Des reproches, il n’en fit pas ; il les savait inutiles. C’était sa faute aussi ; pourquoi n’avait-il pas mieux caché cet argent qu’il lui faudrait maintenant à tout prix trouver ailleurs ?
Fatou-gaye savait quelles caresses de chatte faire à son amant ; elle savait comment l’enlacer de ses bras noirs cerclés d’argent, beaux comme des bras de statue ; comment appuyer sa gorge nue sur le drap rouge de sa veste, pour exciter bientôt les désirs fiévreux qui amèneraient le pardon de sa faute…
Et le spahi se laissa nonchalamment tomber sur le tara, auprès d’elle, remettant au lendemain de chercher l’argent qu’on attendait là-bas, dans la chaumière de ses vieux parents…
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