Jean s’accouda à la fenêtre, et se mit rêver en regardant vaguement le grand décor africain qui se déroulait devant lui.
Les silhouettes pointues des cases yolofes, massées par centaines à ses pieds ; – au loin, la mer agitée et la ligne éternelle des brisants d’Afrique – un soleil jaune, près de disparaître, éclairant encore d’une lueur terne le désert perte de vue, le sable sans fin ; – une caravane lointaine de Maures, des nuées d’oiseaux de proie planant dans l’air, – et, là-bas, un point où se fixaient ses yeux : le cimetière de Sorr, où déjà il avait conduit quelques-uns de ses camarades, montagnards comme lui, morts de la fièvre, sous ce climat maudit.
– Oh ! retourner là-bas, près de ses vieux parents ! habiter une petite maison avec Jeanne Méry, tout auprès du modeste toit paternel !… Pourquoi l’avait-on exilé sur cette terre d’Afrique ?… Quoi de commun entre lui et ce pays ? Et ce costume rouge et ce fez arabe, dont on l’avait affublé, et qui pourtant lui donnaient si grand air, – quel déguisement pour lui, pauvre petit paysan des Cévennes !
Et il resta là longtemps à songer ; il rêvait de son village, le pauvre guerrier du Sénégal…
Le soleil couché, la nuit tomba, et ses idées s’en allèrent tout à fait au triste. Du côté de N’dartoute, les coups précipités du tam-tam appelaient les nègres à la bamboula, et des feux s’allumaient dans les cases yolofes. C’était un soir de décembre, un vilain vent d’hiver se leva, chassant quelques tourbillons de sable, et fit courir un frisson, une impression inusitée de froid sur ce grand pays brûlé…
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La porte s’ouvrit, et un chien fauve, aux oreilles droites, à la mine de chacal, un chien indigène de la race laobê, entra bruyamment et vint sauter autour de son maître.
En même temps, une jeune fille noire parut, gaie et rieuse, à la porte du logis ; elle fit un petit salut à ressort, révérence de négresse, brusque et comique, et dit : Kéou ! (Bonjour !)