XIII

Marchant devant lui sans but comme un homme ivre, enfonçant jusqu’à la cheville dans le sable des rues désertes, Jean s’en alla jusqu’à Guet-n’dar, la ville nègre aux milliers de huttes pointues. – Il heurtait du pied, dans l’obscurité, des hommes et des femmes endormis par terre, roulés dans des pagnes blancs, qui lui faisaient l’effet d’un peuple de fantômes… Il marchait toujours, sentant sa tête perdue…

Bientôt il se trouva au bord de la mer sombre. Les brisants faisaient grand bruit ; – avec un frisson d’horreur, il distinguait le grouillement des crabes, qui fuyaient en masses compactes devant ses pas. – Il se souvenait d’avoir vu un cadavre roulé à la plage, déchiqueté et vidé par eux. Il ne voulait point de cette mort-là…

Pourtant ces brisants l’attiraient ; il se sentait comme fasciné, par ces grandes volutes brillantes, déjà argentées par la lueur indécise du matin, qui se déroulaient à perte de vue tout le long des grèves immenses… Il lui semblait que leur fraîcheur serait douce à sa tête qui brûlait, et que, dans cette humidité bienfaisante, la mort serait moins cruelle…

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