XVI

Pauvre Jean ! Souffrir était pour lui une chose nouvelle ; il se révoltait contre cette puissance inconnue qui venait éteindre son cœur dans d’écrasants anneaux de fer.

Rage concentrée, rage contre ce jeune homme qu’il eût voulu briser dans ses mains, rage contre cette femme qu’il eût aimé meurtrir à coups d’éperons et de cravache ; il éprouvait tout cela en même temps que je ne sais quel besoin très matériel de mouvement et de course folle à se briser la tête.

Et puis tous ces spahis aussi le gênaient et l’irritaient ; il sentait sur lui ces regards curieux, interrogateurs déjà, et qui demain deviendraient ironiques peut-être.

Vers le soir, il demanda et obtint de partir avec Nyaor-fall, pour aller essayer des chevaux, dans le nord de la pointe de Barbarie.

Ce fut, par un temps sombre, une galopade vertigineuse dans le sable du désert. Un ciel d’hiver, il y a là-bas aussi des ciels d’hiver, plus rares que les nôtres, étonnants et sinistres sur ce pays désolé : des nuages tout d’une pièce, si noirs et si bas, que là-dessous la plaine était blanche, le désert semblait une steppe de neige sans fin.

Et, quand les deux spahis passaient, avec leurs burnous, emportés par la course de leurs bêtes emballées, les vautours énormes qui se promenaient par terre en familles paresseuses prenaient un vol effaré et se mettaient à décrire dans l’air au-dessus d’eux des courbes fantastiques.

………………………

A la nuit, Jean et Nyaor rentrèrent au quartier, baignés de sueur, avec leurs chevaux exténués.

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