XXIII

A quelques jours de là, une circonstance imprévue vint apporter dans la vie de Jean une diversion heureuse et nécessaire. L’ordre fut donné aux spahis d’aller s’établir, bêtes et gens, pour changer d’air, au campement de Dialamban, – à plusieurs milles dans le sud de Saint-Louis, près de l’embouchure du fleuve.

Le jour du départ, Fatou-gaye vint au quartier, avec son beau pagne bleu, faire une visite d’adieu à son ami, qui l’embrassa, pour la première fois, sur ses deux petites joues noires, – et, à la tombée de la nuit, les spahis se mirent en marche.

Quant à Cora, les premiers moments de surexcitation et de dépit passés, elle regretta ses amants – à la vérité, elle les aimait tous deux, les deux Jean ; ils parlaient également à ses sens. – Traitée comme une divinité par le spahi, cela la changeait d’être traitée par l’autre comme ce qu’elle était, comme une fille. – Personne encore ne lui avait témoigné un mépris aussi calme, aussi complet – cette nouveauté lui plaisait.

Mais on ne la vit plus, à Saint-Louis, promener ses longues traînes sur le sable ; – un jour, elle partit en sourdine, expédiée par son mari, sur le conseil de l’autorité, pour un des comptoirs les plus éloignés du Sud. – Fatou-gaye avait parlé, sans doute, et, à Saint-Louis, on s’était ému du dernier scandale de cette femme.

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