Le vent a hurlé toute la nuit sur le Bosphore, ce vent de la Mer Noire dont la voix lugubre s’entendra bientôt d’une façon presque continue pendant quatre ou cinq mois d’hiver. Et ce matin il y a redoublement de rafales, qui viennent secouer la maison d’André pour ajouter à la tristesse de son dernier réveil à Thérapia.
– Eh bien ! il en fait, un temps ! lui dit son valet de chambre, en ouvrant ses fenêtres.
En face, sur les collines d’Asie, on voit des nuages bas et obscurs, qui se traînent, à toucher les arbres échevelés.
Et c’est sous la tourmente sinistre, sous le coup de fouet des averses qu’il descend aujourd’hui le Bosphore pour la dernière fois, passant devant le yali de ses amies, où déjà tout est fermé, calfeutré, des envolées de feuilles mortes dansant la farandole sur le quai de marbre.
Le soir donc il se réinstalle à Constantinople, oh ! pour si peu de temps avant le grand départ ! Juste cinquante jours, car il a décidé de rentrer en France par mer et de prendre le paquebot du 30 novembre, ceci afin d’avoir une date fixée d’avance, inchangeable, à laquelle il faudra bien se soumettre.
Et une lettre de Djénane, à la nuit tombante, lui apporte le verdict des médecins : fièvre cérébrale, d’apparence tout de suite très grave ; la pauvre petite Mélek sans doute va mourir, vaincue par tant de surexcitation nerveuse, de révolte, d’épouvante, que lui a causé ce nouveau mariage.