CHAPITRE V

Maintenant que j'ai fait connaître au lecteur les derniers traits de l'histoire de Joannetti et de Rosine, il ne me reste plus qu'à dire un mot de l'âme et de la bête pour être parfaitement en règle avec lui. Ces deux personnages, le dernier surtout, ne joueront plus un rôle aussi intéressant dans mon voyag. Un aimable voyageur qui a suivi la même carrière que moi prétend qu'ils doivent être fatigués. Hélas ! il n'a que trop raison. Ce n'est pas que mon âme ait rien perdu de son activité, autant du moins qu'elle peut s'en apercevoir ; mais ses relations avec l'autre ont changé. Celle-ci n'a plus la même vivacité dans ses réparties ; elle n'a plus.., comment expliquer cela ?… J'allais dire la même présence d'esprit, comme si une bête pouvait en avoir ! Quoi qu'il en soit, et sans entrer dans une explication embarrassante, je dirai seulement qu'entraîné par la confiance que me témoignait la jeune Alexandrine, je lui avais écrit une lettre assez tendre, lorsque j'en reçus une réponse polie, mais froide, qui finissait par ces propres termes :

« Soyez sûr, Monsieur, que je conserverai toujours pour vous les sentiments de l'estime la plus sincère. »

Juste Ciel ! m'écriai-je aussitôt, me voilà perdu. Depuis ce jour fatal, je résolus de ne plus mettre en avant mon système de l'âme et de la bête. En conséquence, sans faire de distinction entre ces deux êtres et sans les séparer, je les ferai passer l'un portant l'autre, comme certains marchands leurs marchandises, et je voyagerai en bloc pour éviter tout inconvénient.

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