CHAPITRE VIII

Tandis que je me promenais ainsi pour exciter ma verve, une jeune et jolie femme qui logeait au-dessous de moi, étonnée du tapage que je faisais, et croyant peut-être que je donnais un bal dans ma chambre, députa son mari pour s'informer de la cause du bruit. J'étais encore tout étourdi de la contusion que j'avais reçue, lorsque la porte s'entr'ouvrit. Un homme âgé, portant un visage mélancolique, avança la tête, et promena ses regards curieux dans la chambre. Quand la surprise de me trouver seul lui permit de parler :

« Ma femme a la migraine, monsieur, me dit-il d'un air fâché. Permettez-moi de vous faire observer que… »

Je l'interrompis aussitôt, et mon style se ressentit de la hauteur de mes pensées.

« Respectable messager de ma belle voisine, lui dis-je dans le langage des bardes, pourquoi tes yeux brillent-ils sous tes épais sourcils, comme deux météores dans la forêt noire de Cromba ? Ta belle compagne est un rayon de lumière, et je mourrais mille fois plutôt que de vouloir troubler son repos ; mais ton aspect, ô respectable messager ! … ton aspect est sombre comme la voûte la plus reculée de la caverne de Camora, lorsque les nuages amoncelés de la tempête obscurcissent la face de la nuit et pèsent sur les campagnes silencieuses de Morven. »

Le voisin qui n'avait apparemment jamais lu les poésies d'Ossian, prit, mal à propos, l'accès d'enthousiasme qui m'animait pour un accès de folie, et parut fort embarrassé. Mon Intention n'étant point de l'offenser, je lui offris un siège, et je le priai de s'asseoir ; mais je m'aperçus qu'il se retirait doucement, et se signait en disant à demi-voix : E matto, per Bacco, è matto !

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