CHAPITRE XV

Les étoiles les plus brillantes n'ont jamais été celles que je contemple avec plus de plaisir ; mais les plus petites, celles qui, perdues dans un éloignement incommensurable, ne paraisse que comme des points imperceptibles, ont toujours été mes étoiles favorites. La raison en est toute simple : on concevra facilement qu'en faisant faire à mon imagination autant de chemin de l'autre côté de leur sphère que mes regards en font de celui-ci pour parvenir jusqu'à elles, je me trouve porté sans effort à une distance où peu de voyageurs sont parvenus avant moi, et je m'étonne, en me trouvant là, de n'être encore qu'au commencement de ce vaste univers ; car il serait, je crois, ridicule de penser qu'il existe une barrière au delà de laquelle le néant commence, comme si le néant était plus facile à comprendre que l'existence ! Après la dernière étoile, j'en imagine encore une autre, qui ne saurait non plus être la dernière. En assignant des limites à la création, tant soient-elles éloignées, l'univers ne me paraît plus qu'un point lumineux, comparé à l'immensité de l'espace vide qui l'environne, à cet affreux et sombre néant, au milieu duquel il serait suspendu comme une lampe solitaire. – Ici je me couvris les yeux avec les deux mains, pour m'éloigner toute espèce de distraction, et donner à mes idées la profondeur qu'un semblable sujet exige ; et, faisant un effort de tête surnaturel, je composai un système de monde, le plus complet qui ait encore paru. Le voici dans tous ses détails ! Il est le résultat des méditations de toute ma vie. « Je crois que l'espace étant… » Mais ceci mérite un chapitre à part ; et, vu l'importance de la matière, il sera le seul de mon voyage qui portera un titre.

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