CHAPITRE XXXVI

La brillante vision dont je venais de jouir me fit sentir plus vivement, à mon réveil, toute l'horreur de l'isolement dans lequel je me trouvais. Je promenai mes regards autour de moi, et je ne vis plus que des toits et des cheminées. Hélas ! suspendu au cinquième étage entre le ciel et la terre, environné d'un océan de regrets, de désirs et d'inquiétudes, je ne tenais plus à l'existence que par une lueur incertaine d'espoir : appui fantastique dont j'avais éprouvé trop souvent la fragilité. Le doute rentra bientôt dans mon cœur encore tout meurtri des mécomptes de la vie, et je crus fermement que l'étoile polaire s'était moquée de moi. Injuste et coupable défiance, dont l'astre m'a puni par dix ans d'attente ! Oh ! si j'avais pu prévoir alors que toutes ces promesses seraient accomplies, et que je retrouverais un jour sur la terre l'être adoré dont je n'avais fait qu'entrevoir l'image dans le ciel ! Chère Sophie, si j'avais su que mon bonheur surpasserait toutes mes espérances ! … Mais il ne faut pas anticiper sur les événements : je reviens à mon sujet, ne voulant pas intervertir l'ordre méthodique et sévère auquel je me suis assujetti dans la rédaction de mon voyage.

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