CHAPITRE XXXV

Cet accident fut d'un avantage réel pour la partie géologique de mon voyage, parce qu'il me donna l'occasion de connaître exactement la hauteur de ma chambre au-dessus des couches d'alluvion qui forment le sol sur lequel est bâtie la ville de Turin.

Mon cœur palpitait fortement, et je venais d'en compter trois battements et demi depuis l'instant où j'avais piqué mon cheval, lorsque j'entendis le bruit de ma pantoufle qui était tombée dans la rue, ce qui, calcul fait du temps que mettent les corps graves dans leur chute accélérée, et de celui qu'avaient employé les ondulations sonores de l'air pour venir de la rue à mon oreille, détermine la hauteur de ma fenêtre à quatre-vingt-quatorze pieds trois lignes et neuf dixièmes de ligne depuis le niveau du pavé de Turin, en supposant que mon cœur agité par le rêve battait cent vingt fois par minute, ce qui ne peut être éloigné de la vérité. Ce n'est que sous le rapport de la science, qu'après avoir parlé de la pantoufle intéressante de ma belle voisine, j'ai osé faire mention de la mienne : aussi je préviens que ce chapitre n'est absolument fait que pour les savants.

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