Monsieur le Comte,
APRÈS avoir supposé que l’Inquisition est un tribunal purement ecclésiastique, et que des prêtres peuvent condamner un homme à mort, il ne manquait plus que de supposer encore, pour compléter ce fantôme absurde d’une malveillante ignorance, que l’Inquisition condamnait à mort pour de simples opinions, et qu’un Juif, par exemple, était brûlé purement et simplement, sans autre délit que celui d’être Juif ; et c’est ce qu’on n’a pas manqué de dire jusqu’à ce qu’enfin on l’ait fait croire.
Je suis fâché de surprendre dans les rangs des moins excusables calomniateurs Montesquieu lui-même, que nous voyons malheureusement affronter la plus dure épithète avec un rare intrépidité, dans la prétendue remontrance d’une prétendue Juive, dont il a fait un chapitre de son Esprit des Lois .
Une jeune fille innocente, brûlée dans une grande capitale d’Europe, sans autre crime que celui de croire à sa religion, serait un forfait national si horrible, qu’il suffirait pour flétrir un peuple et peut-être un siècle entier. Heureusement cette supposition est une calomnie absurde, déshonorable seulement pour celui qui se l’est permise.
Depuis quand est-il donc permis de calomnier les nations ? depuis quand est-il permis d’insulter les autorités qu’elles ont établies chez elles ? de prêter à ces autorités des actes de la plus atroce tyrannie, et non seulement sans être en état de les appuyer sur aucun témoignage, mais encore contre la plus évidente notoriété ? En Espagne et en Portugal, comme ailleurs, on laisse tranquille tout homme qui se tient tranquille ; quant à l’imprudent qui dogmatise, ou qui trouble l’ordre public, il ne peut se plaindre que de lui-même ; vous ne trouverez pas une seule nation, je ne dis pas chrétienne, je ne dis pas catholique, mais seulement policée, qui n’ait prononcé des peines capitales contre les atteintes graves portées à sa religion. Qu’importe le nom du tribunal qui doit punir les coupables ! partout ils sont punis, et partout ils doivent l’être . Personne n’a droit de demander aux rois d’Espagne pourquoi il leur a plu d’ordonner telle peine ; pour tel crime ils savent ce qu’ils ont à faire chez eux ; ils connaissent leurs ennemis et les repoussent comme ils l’entendent ; le grand point, le point unique et incontestable, c’est que, pour les crimes dont je parle, personne n’est puni qu’en vertu d’une loi universelle et connue, suivant des formes invariables, et par des juges légitimes qui n’ont de force que par le roi, et ne peuvent rien contre le roi : cela posé, toutes les déclamations tombent, et personne n’a droit de se plaindre. L’homme a justement horreur d’être jugé par l’homme, car il se connaît, et il sait de quoi il est capable lorsque la passion l’aveugle ou l’entraîne ; mais, devant la loi, chacun doit être soumis et tranquille, car la nature humaine ne comporte rien de mieux que la volonté générale, éclairée et désintéressée du législateur, substituée partout à la volonté particulière, ignorante et passionnée de l’homme.
Si donc la loi espagnole, écrite pour tout le monde, porte la peine de l’exil, de la prison, de la mort même contre l’ennemi déclaré et public d’un dogme espagnol, personne ne doit plaindre le coupable qui aura mérité ces peines, et lui-même n’a pas droit de se plaindre, car il y avait pour lui un moyen bien simple de les éviter : celui de se taire.
À l’égard des Juifs en particulier, personne ne l’ignore ou ne doit l’ignorer, l’Inquisition ne poursuivait réellement que le Chrétien judaïsant, le Juif relaps, c’est-à-dire le Juif qui retournait au Judaïsme après avoir solennellement adopté la religion chrétienne, et le prédicateur du Judaïsme. Le Chrétien ou le Juif converti qui voulaient judaïser étaient bien les maîtres de sortir d’Espagne, et, en y demeurant, ils savaient à quoi ils s’exposaient, ainsi que le Juif qui osait entreprendre de séduire un Chrétien. Nul n’a droit de se plaindre de la loi qui est faite pour tous.
On a fait grand bruit en Europe de la torture employée dans les tribunaux de l’Inquisition, et de la peine du feu infligée pour les crimes contre la religion ; la voix sonore des écrivains français s’est exercée sans fin sur un sujet qui prête si fort au pathos philosophique ; mais toutes ces déclamations disparaissent en un clin d’œil devant la froide logique. Les inquisiteurs ordonnaient la torture en vertu des lois espagnoles, et parce qu’elle était ordonnée par tous les tribunaux espagnols. Les lois grecques et romaines l’avaient adoptée ; Athènes, qui s’entendait un peu en liberté, y soumettait même l’homme libre. Toutes les nations modernes avaient employé ce moyen terrible de découvrir la vérité ; et ce n’est point ici le lieu d’examiner si tous ceux qui en parlent savent bien précisément de quoi il s’agit, et s’il n’y avait pas, dans les temps anciens, d’aussi bonnes raisons de l’employer, qu’il peut y en avoir pour la supprimer de nos jours. Quoiqu’il en soit, dès que la torture n’appartient pas plus au tribunal de l’Inquisition qu’à tous les autres, personne n’a le droit de la lui reprocher. Que le burin protestant de Bernard Picart se fatigue tant qu’il voudra à nous tracer des tableaux hideux de tortures réelles ou imaginaires, infligées par les juges de l’Inquisition, tout cela ne signifie rien, ou ne s’adresse qu’au roi d’Espagne.
Observez ici en passant, monsieur, que d’après le rapport du comité des Cortès, non seulement les inquisiteurs devaient assister à la torture, mais que l’évêque même y était appelé, quoiqu’il s’y fît suppléer par un délégué (ibid. p. 63) ; ce qui suppose d’abord, dans cet acte rigoureux, beaucoup d’attention et toute la charité permise à des juges.
Et comme tout décret de quelque importance, et celui même de simple prise au corps, ne peut être exécuté sans l’aveu du conseil suprême (ibid. 64), il est bien certain que la sentence préliminaire qui ordonne la torture était soumise à la même formalité. Ainsi il faut convenir que la torture était environnée, dans les tribunaux de l’Inquisition, de toutes les précautions admises par la nature des choses.
Que si le roi d’Espagne juge à propos d’abolir la question dans ses états, comme elle a été abolie en Angleterre, en France, en Piémont, etc., il fera aussi bien que toutes ces puissances, et sûrement les inquisiteurs seront les premiers à lui applaudir ; mais c’est le comble de l’injustice et de la déraison de leur reprocher une pratique admise jusqu’à nous jours, dans tous les temps et dans tous les lieux .
Quant à la peine du feu, c’est encore, ou c’était un usage universel. Sans remonter aux lois romaines qui sanctionnèrent cette peine, toutes les nations l’ont prononcée contre ces grands crimes qui violent les lois les plus sacrées. Dans toute l’Europe, on a brûlé le sacrilège, le parricide, surtout le criminel de lèse-majesté ; et comme ce dernier crime se divisait, dans les principes de jurisprudence criminelle, en lèse-majesté divine et humaine, on regardait tout crime, du moins tout crime énorme, commis contre la religion, comme un délit de lèse-majesté divine, qui ne pouvait conséquemment être puni moins sévèrement que l’autre. De là l’usage universel de brûler les hérésiarques et les hérétiques obstinés. Il y a dans tous les siècles certaines idées générales qui entraînent les hommes et qui ne sont jamais mises en question. Il faut les reprocher au genre humain ou ne les reprocher à personne.
Je ne me jetterai point, de peur de sortir de mon sujet, dans la grande question des délits et des peines : je n’examinerai point si la peine de mort est utile et juste ; s’il convient d’exaspérer les supplices suivant l’atrocité des crimes, et quelles sont les bornes de ce droit terrible : toutes ces questions sont étrangères à celle que j’examine. Pour que l’Inquisition soit irréprochable, il suffit qu’elle juge comme les autres tribunaux, qu’elle n’envoie à la mort que les grands coupables, et ne soit jamais que l’instrument de la volonté législatrice et écrite du souverain.
Je crois cependant devoir ajouter que l’hérésiarque, l’hérétique obstiné et le propagateur de l’hérésie, doivent être rangés incontestablement au rang des plus grands criminels. Ce qui nous trompe sur ce point, c’est que nous ne pouvons nous empêcher de juger d’après l’indifférence de notre siècle en matière de religion, tandis que nous devrions prendre pour mesure le zèle antique, qu’on est bien le maître d’appeler fanatisme, le mot ne faisant rien du tout à la chose. Le sophiste moderne, qui disserte à l’aise dans son cabinet, ne s’embarrasse guère que les arguments de Luther aient produit la guerre de trente ans ; mais les anciens législateurs, sachant tout ce que ces funestes doctrines pouvaient coûter aux hommes, punissaient très justement du dernier supplice un crime capable d’ébranler la société jusque dans ses bases, et de la baigner dans le sang.
Le moment est venu sans doute où ils peuvent être moins alarmés ; cependant, lorsqu’on songe que le tribunal de l’Inquisition aurait très certainement prévenu la révolution française, on ne sait pas trop si le souverain qui se priverait, sans restriction, de cet instrument, ne porterait pas un coup fatal à l’humanité.
L’abbé de Vayrac est, je crois, le premier Français qui ait parlé raison sur l’Inquisition, dans son voyage d’Espagne et d’Italie ; mais déjà, en 1731, il désespérait de pouvoir se faire entendre au milieu des clameurs du préjugé : « J’avoue, dit-il, que si ceux qui se déchaînent contre le tribunal de l’Inquisition avaient égard à ceux qui le composent, ils en parleraient tout autrement... Mais ce qu’il y a de plus déplorable, c’est que la prévention a tellement prévalu que je désespère, en quelque manière, de pouvoir faire convenir mes compatriotes que la circonspection, la sagesse, la justice, l’intégrité, sont les vertus qui caractérisent les inquisiteurs... Il faut être bien méchant, ou une bien mauvaise tête pour être repris par ce tribunal. »
Tout homme sage pourrait deviner de lui-même ce qu’on vient de lire, s’il veut réfléchir un instant sur la qualité des juges. En premier lieu, il n’y a rien de si juste, de si docte, de si incorruptible que les grands tribunaux espagnols, et si, à ce caractère général, on ajoute encore celui du sacerdoce catholique, on se convaincra, avant toute expérience, qu’il ne peut y avoir dans l’univers rien de plus calme, de plus circonspect, de plus humain par nature que le tribunal de l’Inquisition.
Dans ce tribunal établi pour effrayer l’imagination, et qui devait être nécessairement environné de formes mystérieuses et sévères pour produire l’effet qu’en attendait le législateur, le principe religieux conserve néanmoins toujours son caractère ineffaçable. Au milieu même de l’appareil des supplices, il est doux et miséricordieux, et parce que le sacerdoce entre dans ce tribunal, ce tribunal ne doit ressembler à aucun autre. En effet, il porte dans ses bannières la devise nécessairement inconnue à tous les tribunaux du monde, MISERICORDIA ET JUSTITIA. Partout ailleurs la justice seule appartient aux tribunaux, et la miséricorde n’appartient qu’aux souverains. Des juges seraient rebelles, s’ils se mêlaient de faire grâce ; ils s’attribueraient les droits de la souveraineté ; mais dès que le sacerdoce est appelé à siéger parmi les juges, il refusera d’y prendre place à moins que la souveraineté ne lui prête sa grande prérogative. La miséricorde siège donc avec la justice et la précède même : l’accusé traduit devant ce tribunal est libre de confesser sa faute, d’en demander pardon, et de se soumettre à des expiations religieuses. Dès ce moment le délit se change en péché, et le supplice en pénitence. Le coupable jeûne, prie, se mortifie. Au lieu de marcher au supplice, il récite des psaumes, il confesse ses péchés, il entend la messe, on l’exerce, on l’absout, on le rend à sa famille et à la société. Si le crime est énorme, si le coupable s’obstine, s’il faut verser du sang, le prêtre se retire, et ne reparaît que pour consoler la victime sur l’échafaud.
Il est singulier que ce caractère distinctif de l’Inquisition ait été reconnu de la manière la plus solennelle par un ministre de la république française , et il est curieux de voir de quelle manière on a rendu compte de cet ouvrage dans ce même journal, d’où j’ai tiré le singulier morceau cité à la pag. 15. Ici, comme vous allez voir, c’est un homme plus réfléchi qui tient la plume.
« Quel est cependant, s’écrie l’estimable journaliste, quel est le tribunal en Europe, autre que celui de l’Inquisition, qui absout le coupable lorsqu’il se repent et confesse le repentir ? Quel est l’individu tenant des propos, affectant une conduite irréligieuse, et professant des principes contraires à ceux que les lois ont établis pour le maintien de l’ordre social, quel est cet individu qui n’ait pas été averti deux fois par les membres de ce tribunal ? S’il récidive, si, malgré les avis qu’on lui donne, il persiste dans sa conduite, on l’arrête, et s’il se repent on le met en liberté. M. Bourgoing, dont les opinions religieuses ne pouvaient être suspectées lorsqu’il écrivait son Tableau de l’Espagne moderne, en parlant du Saint-Office, dit : J’avouerai, pour rendre hommage à la vérité, que l’Inquisition pourrait être citée de nos jours comme un modèle d’équité. Quel aveu ! et comment serait-il reçu si c’était nous qui le faisions ? Mais M. Bourgoing n’a vu dans le tribunal de l’Inquisition que ce qu’il est réellement, un moyen de haute police. »
À l’égard des formes, ou dures ou effrayantes, tant reprochées au tribunal de l’Inquisition, j’ai le malheur de n’y pas trop croire, et tout au moins je voudrais être sur les lieux pour en juger sainement. Quoi qu’il en soit, si le changement qui s’est opéré dans les mœurs et dans les opinions permet quelques adoucissements sur ce point, le roi est le maître de les ordonner, et les inquisiteurs s’y prêteront avec plaisir. Rien d’humain ne saurait être parfait, et il n’y a pas d’institution qui n’entraîne quelques abus. Vous me rendrez la justice de croire qu’il n’est pas d’homme plus éloigné que moi de justifier des sévérités inutiles ; je vous ferai seulement observer que l’Inquisition religieuse d’Espagne pourrait fort bien ressembler à l’Inquisition publique de Venise, qui régnait sur les imaginations par je ne sais quelle terreur adoucie, toute composée de souvenirs fantastiques qui n’avaient d’autre effet que de maintenir l’ordre en épargnant le sang.
Il est faux d’ailleurs, même en Portugal, que la moindre dénonciation parût suffisante pour faire emprisonner l’accusé, ni qu’on lui laissât ignorer les chefs d’accusation et les accusateurs, ni qu’on lui refusât des avocats pour défendre sa cause , ni que les délateurs restassent jamais impunis s’ils l’avaient calomnié. Le tribunal ne prononce jamais sur la peine temporelle : il déclare seulement le coupable atteint et convaincu ; c’est ensuite aux juges séculiers à prononcer sur la peine, précisément comme on l’a vu à l’égard de l’Espagne. Les confiscations ne sont qu’au profit du roi, et les évêques diocésains ont droit de connaître du délit conjointement avec les inquisiteurs .
Je dois vous faire observer encore, à l’égard des formes plus ou moins sévères, qu’il n’y a pas de puissance éclairée dans l’univers qui, pour de grands et justes motifs, n’ait établi de temps en temps certains tribunaux extraordinaires presque entièrement affranchis des formes usitées. Je vous citerai en ce point l’ancienne justice prévôtale des Français. Les rois de France avaient la manie de vouloir que les grandes routes fussent parfaitement sûres chez eux. Tout voyageur était mis sous leur protection spéciale, et le moindre attentat contre sa sûreté était une espèce de crime de lèse-majesté que la loi punissait d’une manière terrible avec la promptitude de la foudre. Le malheureux qui vous avait extorqué un écu sur la grande route était saisi par la maréchaussée, livré au grand prévôt jugeant avec ses deux assesseurs, et roué vif dans vingt-quatre heures, sous les yeux du parlement qui ne s’en mêlait pas.
Cette jurisprudence n’était pas tendre, sans doute : mais il était notoirement libre à tout Français de ne pas voler sur les grandes routes, et le roi voulait qu’on pût les parcourir en tout sens, et même s’y endormir impunément : chacun a ses idées.
Vous voyez, monsieur le comte, combien d’erreurs les sophistes modernes avaient accumulées sur le compte de l’Inquisition. Ils l’avaient présentée comme un tribunal purement ecclésiastique, et, d’après les autorités les plus incontestables, je vous ai montré ce qu’il en est. Ils nous avaient fait croire que des prêtres condamnaient à mort, et pour de simples opinions. Je vous ai montré ce qu’il en est. Ils nous présentaient l’Inquisition comme une invention des papes, et les papes ne l’ont accordée qu’aux instances des souverains, souvent même avec répugnance, de moins quant à certaines attributions qui leur paraissaient trop sévères. Il ne manquait plus que de l’attaquer du côté de la discipline ecclésiastique, en soutenant qu’elle énervait la juridiction des évêques ; malheureusement pour les réformateurs modernes, ils avaient contre eux le corps épiscopal d’Espagne, un des plus respectables du monde catholique, qui venait de déclarer expressément qu’il n’avait jamais trouvé dans l’Inquisition qu’une alliée fidèle toujours prête à l’assister dans la conservation de la foi ; mais vous savez que l’esprit de parti n’est jamais embarrassé de rien et ne recule jamais. Le comité des Cortès a déterré je ne sais quelle anecdote vraie ou fausse de je ne sais quel grand inquisiteur, lequel ayant, en l’année 1622, persécuté, on ne sait ni comment ni pourquoi, je ne sais quel évêque de Carthagène, fut, pour ce grand méfait, désapprouvé par je ne sais quelle consultation du conseil de Castille, et sur cette autorité si lumineuse, si décisive, et de si fraîche date surtout, le comité s’écrie majestueusement : Comment, après cela, les révérends évêques osent-ils, contre le témoignage de leurs confrères, et contre l’autorité du premier tribunal de la nation, représenter à V.M. (c’est-à-dire aux Cortès), qu’ils sont aidés par les inquisiteurs dans les fonctions épiscopales relatives à la conservation de la foi ? Un fait unique, un fait plus que douteux et nullement détaillé, un fait de 1622, opposé à la déclaration solennelle du corps épiscopal, offre un de ces prodiges de déraison qui distinguent plus ou moins toutes les assemblées populaires.
C’est avec un bonheur égal que le comité reproche à l’Inquisition sa ténébreuse influence sur l’esprit humain. Est-il possible, dit-il, qu’une nation devienne illustre quand les esprits y sont réduits à un aussi grossier esclavage ? Les écrivains disparurent au moment où parut l’Inquisition .
Le comité plaisante, sans doute. Qui ne sait que le beau siècle de la littérature espagnole fut celui de Philippe II, et que tous les écrivains qui ont illustré l’Espagne n’ont fait imprimer leurs livres qu’avec la permission du Saint-Office ? Les mathématiques, l’astronomie, la chimie, toutes les sciences naturelles, la philologie, l’histoire, les antiquités, etc., sont des champs assez vastes que l’esprit humain est bien le maître de parcourir dans tous les sens, sans que le très révérend père inquisiteur s’en mêle le moins du monde. On aura beau répéter qu’on enchaîne le génie, en lui défendant d’attaquer les dogmes nationaux ; jamais on n’autorisera une erreur à force de la répéter.
J’ai l’honneur d’être, etc.
Moscou, 20 juin (2 juillet) 1815.