III LA GESTE D’OSIMANDYAS

(Époque ptolémaïque.)

Les versions thébaines de la légende de Ramsès II s’étaient attachées au temple funéraire que ce prince s’était bâti sur la rive gauche, au Ramesséum , et comme l’un des noms de ce temple était tà haît Ouasimârîya Maîamanou, « le Château d’Ouasimarîya Maîamanou », et par abréviation « le Château d’Ouasimârîya », le prénom Ouasimarîya fit oublier le nom propre Ramsès : transcrit Osimandouas en grec, ainsi que je l’ai dit dans l’Introduction, (au chapitre II), il est passé dans Hécatée d’Abdère et dans Artémidore, puis, de chez eux dans Diodore, comme le nom d’un roi différent de Sésôstris-Sésoôsis. Ce qui nous a été conservé de sa Geste n’est que la description du Ramesséum et des sculptures qui en décoraient les diverses parties. On reconnaît pourtant qu’elle renfermait, comme la Geste de Sésôstris, une partie importante de batailles en Asie, contre les Bactriens. Osimandouas assiégeait une forteresse entourée d’un fleuve, et il s’exposait aux coups des ennemis, en compagnie d’un lion qui l’aidait terriblement dans les combats. Les drogmans de l’âge ptolémaïque n’étaient pas d’accord sur ce dernier point : les uns disaient que l’animal figuré sur les murs était un lion véritable, apprivoisé et nourri des mains du roi, et qui mettait par sa force les ennemis en fuite ; les autres, le prenant pour une métaphore réalisée, prétendaient que le roi, étant excessivement vaillant et robuste, avait voulu indiquer ces qualités par l’image d’un lion. Une moitié seulement subsiste de l’édifice dont les Grecs et les Romains admirèrent l’ordonnance, et par suite, un certain nombre des sculptures dont Diodore de Sicile indique sommairement le sujet a disparu, mais nous savons que. Ramsès III avait copié presque servilement les dispositions prises par son grand ancêtre, et, comme son temple de Médinet-Habore a moins souffert, on y retrouve, en seconde édition pour ainsi dire, ce qu’il y avait en première au Ramesséum , ainsi le défilé des prisonniers, les trophées de mains et de phallus qui constataient la prouesse des soldats égyptiens, le sacrifice du bœuf et la procession du dieu Minou que les drogmans interprétaient comme le retour triomphal du Pharaon. La fameuse bibliothèque « pharmacie de l’âme » n’était sans doute que l’officine d’où sortirent, sous la XIXe et sous la XXe dynastie, quantité d’ouvrages, les classiques de l’âge thébain. Enfin, les salles et chapelles accessoires sont probablement identiques à l’une ou l’autre de celles dont le déblaiement récent de la ville et des magasins a ramené les arasements au jour.

Il serait hardi de vouloir rétablir la Geste d’Osimandyas dans sa forme primitive ; à l’aide des extraits que Diodore nous en a donnés de troisième ou de quatrième main. On devine seulement qu’elle était très vraisemblablement parallèle par son développement à celle de Sésoôsis-Sésôstris. Elle débutait sans doute par une exposition des conquêtes du roi, qui lui avaient fourni les ressources nécessaires à construire ce que-les Grecs croyaient être son tombeau, mais qui est en vérité la chapelle du tombeau qu’il s’était creusé dans la Vallée funéraire. La description des merveilles que le monument contenait occupait la seconde moitié, et l’on jugera du ton qu’elle pouvait avoir par la version, courante alors, de l’inscription gravée sur la base du colosse de granit rose : « Je suis Osimandouas, le roi des rois, et si quelqu’un veut savoir qui je suis ; et où je repose ; qu’il surpasse une de mes œuvres. »

En résumé on devait trouver une version de la guerre contre les khâti, tournée à la façon dont les auteurs des Emprises du trône et de la cuirasse ont arrangé les luttes intestines des barons égyptiens entre eux à l’époque assyrienne. Il est fâcheux que les auteurs alexandrins à qui nous en devons la connaissance ne nous l’aient pas transmise à peu près complète, comme Hérodote avait fait pour la Geste de Sésôstris.

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