II L’HISTOIRE VÉRIDIQUE DE SATNI KHÂMOÎS ET DE SON FILS SÉNOSIRIS

L’histoire véridique de Satni Khâmoîs et de son fils Sénosiris fut découverte sur le Papyrus DCIV du Musée Britannique, et publiée, transcrite, traduite en anglais par :

F. Ll. Griffith, Stories of the High-Priests of Memphis, the Sethon of Herodotus and the Demotic Tales of Khamuas, Oxford, Clarendon Press, 1909, in-8°, p. 41-46, 142-207, et atlas in-f° de XIV planches, puis analysée, commentée et traduite partiellement en français par :

G. Maspero, Contes relatifs aux grands-prêtres de Memphis, dans le Journal des Savants, 1901, p. 473-504, enfin transcrite en hiéroglyphes, puis traduite en français par Revillout, le Roman du Satme, Second roman du Satme Khaemouas, dans la Revue Égyptologique, t. XII, p. 107-109, t. XIII, p. 29-38.

Elle est écrite au revers de deux recueils de pièces officielles rédigées en grec et datées de l’an VII de Claude César, 46-47 après J.-C. Les deux rouleaux de papyrus, passés à la condition de vieux papiers, furent collés bout à bout, et l’on y transcrivit le roman aux parties libres du verso ; dans son état actuel, il est incomplet à la droite sur une longueur indéterminée et le début de l’histoire a disparu. L’écriture semble indiquer, pour l’époque de la copie, la seconde moitié du deuxième siècle après notre ère. Elle est grande et frêle, à la fois soignée et maladroite, mais d’un déchiffrement aisé malgré quelques bizarreries. La langue est simple, claire, plus pauvre que celle du conte précédent. La première page manque complètement, ainsi qu’un long fragment de la seconde page, mais on peut rétablir l’exposition du sujet avec assez de vraisemblance ; la suite du texte est entrecoupée de fortes lacunes qui en rendent l’intelligence parfois laborieuse. L’étude minutieuse et patiente à laquelle M. Griffith a soumis le tout nous permet de saisir le sens général, et d’en restituer le détail exactement dans beaucoup d’endroits. Selon mon habitude, j’ai rétabli sommairement les portions manquantes, en prenant soin d’indiquer le point juste où le texte authentique commence.

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Il y avait une fois un roi nommé Ousimarès, v. s. f., et il avait parmi ses enfants un fils nommé Satmi, lequel était un scribe, habile de ses doigts et fort instruit en toutes choses : il était plus qu’homme au monde expert aux arts où les scribes d’Égypte excellent, et il n’y avait savant qui lui comparât dans la Terre-Entière. Et après cela, il arrivait que les chefs des pays étrangers envoyaient un message à Pharaon pour lui dire : « Voici ce que mon maître dit : « Qui d’ici pourra faire telle ou telle chose qu’a devisée mon maître, dans telle ou telle condition ? S’il la fait comme il convient je proclamerai l’infériorité de mon pays à l’Égypte. Mais s’il arrive qu’il n’y ait bon scribe, ni homme sage en Égypte qui puisse la faire, je proclamerai l’infériorité de l’Égypte à mon pays ». Or, quand il avait parlé ainsi, le roi Ousimarès, v. s. f., appelait son fils Satmi et il lui répétait toutes les choses que le messager lui avait dites, et son fils Satmi lui donnait aussitôt la bonne réponse que le chef du pays étranger avait devisée, et celui-ci était obligé de proclamer l’infériorité de son pays au pays d’Égypte. Et nul des chefs qui avaient envoyé des messagers n’avait pu triompher de lui, tant la sagesse de Satmi était grande, si bien qu’il ne se trouvait plus chef au monde qui osât envoyer des messagers à Pharaon.

Et après cela, il arriva que Satmi n’eut pas d’enfant mâle de sa femme Mahîtouaskhît, et il s’en affligeait beaucoup dans son cœur et sa femme Mahîtouaskhît s’en affligeait beaucoup avec lui. Or un jour qu’il en était triste plus que de coutume, sa femme Mahîtouaskhît se rendit au temple d’Imouthès, fils de Phtah, et elle pria devant lui, disant : « Tourne ta face vers moi, monseigneur Imouthès, fils de Phtah ; c’est toi qui accomplis les miracles, et qui es bienfaisant dans tous tes actes ; c’est toi qui donneras un fils à qui n’en a pas. Entends ma plainte et rends-moi enceinte d’un enfant mâle ». Mahîtouaskhît, la femme de Satmi, coucha donc dans le temple et elle rêva un songe cette nuit même. On lui parlait, lui disant : « Es-tu pas Mahîtouaskhît, la femme de Satmi, qui dors dans le temple pour recevoir un remède de ta stérilité des mains du dieu ? Quand le lendemain matin sera venu, va-t-en à la fontaine de Satmi, ton mari, et tu y trouveras un pied de colocase qui y pousse. La colocase que tu rencontreras, tu l’arracheras avec ses feuilles, tu en fabriqueras un remède que tu donneras à ton mari, puis tu te coucheras près de lui et tu concevras de lui la nuit même ». Lorsque Mahîtouaskhît s’éveilla de son rêve après avoir vu ces choses, elle agit en tout selon ce qu’on lui avait dit en son rêve, puis elle se coucha près de Satmi, son mari, et elle conçut de lui. Quand son temps vint, elle eut les signes des femmes enceintes et Satmi l’annonça devant Pharaon, car son cœur s’en réjouissait beaucoup ; il lui lia un amulette et il récita un grimoire sur elle. Or, Satmi se coucha une nuit et il rêva un rêve. On lui parlait, disant : « Mahîtouaskhît, ta femme, qui a conçu de toi, le petit enfant dont elle accouchera on l’appellera Sénosiris, et ils seront nombreux les miracles qu’il accomplira dans la terre d’Égypte ». Lorsque Satmi s’éveilla de son rêve après avoir vu ces choses, son cœur se réjouit beaucoup. Accomplis les mois de la grossesse, lorsque son temps d’accoucher fut venu, Mahîtouaskhît mit au monde un enfant mâle. On le fit savoir à Satmi et il appela l’enfant Sénosiris, selon ce qu’on lui avait dit dans son rêve. On le mit au sein de Mahîtouaskhît, sa mère, sitôt qu’elle fut délivrée des restes de sa grossesse, et on le lui fit nourrir. Et il arriva, quand le petit enfant Sénosiris eut un an, on aurait dit : « Il a deux ans » ; quand il en eut deux, on aurait dit : « Il a trois ans », tant il était vigoureux en tous ses membres. Il arriva donc que Satmi ne pouvait demeurer une heure sans voir le petit enfant Sénosiris ; si fort était l’amour qu’il lui portait. Lorsqu’il fut grand et robuste, on le mit à l’école ; en peu de temps il en sut plus que le scribe qu’on lui avait donné pour maître. Le petit enfant Sénosiris commença à lire les grimoires avec les scribes de la Double maison de Vie du temple de Phtah, et tous ceux qui l’entendaient étaient plongés dans l’étonnement ; Satmi se plaisait à le mener à la fête par-devant Pharaon, pour que tous les magiciens de Pharaon luttassent contre lui et qu’il leur tint tête à tous.

Et après cela, il arriva, un jour que Satmi se lavait pour la fête sur la terrasse de ses appartements, et que le petit garçon Sénosiris se lavait devant lui pour aller aussi à la fête, à cette heure-là, voici, Satmi entendit une voix de lamentation qui s’élevait très forte : il regarda de la terrasse de ses appartements, et voici, il vit un riche qu’on menait ensevelir dans la montagne à force lamentations et plentée d’honneurs. Il regarda une seconde fois à ses pieds, et voici, il aperçut un pauvre qu’on menait hors de Memphis, roulé dans une natte, seul et sans homme au monde qui marchât derrière lui. Satmi dit : « Par la vie d’Osiris, le seigneur de l’Amentît, puisse m’être fait dans l’Amentît comme à ces riches qui ont grande lamentation, et non comme à ces pauvres qu’on porte à la montagne sans pompe ni honneurs ! » Sénosiris, son petit enfant, lui dit : « Te soit fait dans l’Amentît ce qu’on fait à ce pauvre homme dans l’Amentît, et ne te soit pas fait dans l’Amentît ce qu’on fait à ce riche dans l’Amentît ». Lorsque Satmi entendit les paroles que Sénosiris, son petit enfant, lui avait dites, son cœur s’en affligea extrêmement, et il dit : « Ce que j’entends est-ce bien la voix d’un fils qui aime son père ? » Sénosiris, son petit enfant, lui dit : « S’il te plaît, je te montrerai, chacun en sa place, le pauvre qu’on ne pleure pas et le riche sur lequel on se lamente ». Satmi demanda : « Et comment pourras-tu faire cela, mon fils Sénosiris ? » Et après cela, Sénosiris, le petit enfant, récita ses grimoires. Il prit son père Satmi par la main et il le conduisit à une place que celui-ci ignorait dans la montagne de Memphis. Elle contenait sept grandes salles et en elles des hommes de toutes les conditions. Ils traversèrent trois des salles, les trois premières, sans que personne leur fît obstacle. En entrant dans la quatrième, Satmi aperçut des gens qui couraient et qui s’agitaient tandis que les ânes mangeaient derrière eux ; d’autres avaient leur nourriture, eau et pain, suspendue au-dessus d’eux, et ils s’élançaient pour la mener bas, tandis que d’autres creusaient des trous à leurs pieds pour les empêcher de l’atteindre. Lorsqu’ils arrivèrent à la cinquième salle, Satmi aperçut les mânes vénérables qui se trouvaient chacun en sa place propre, mais ceux qui étaient inculpés de crimes se tenaient à la porte, suppliants, et le pivot de la porte de la cinquième salle était établi sur le seul œil droit d’un homme qui priait et qui poussait de grands cris.

Lorsqu’ils arrivèrent à la sixième salle, Satmi aperçut les dieux du conseil des gens de l’Amentît qui se tenaient chacun en sa place propre, tandis que les huissiers de l’Amentît appelaient les causes. Lorsqu’ils arrivèrent à la sixième salle, Satmi aperçut l’image d’Osiris, le dieu grand, assis sur son trône d’or fin, et couronné du diadème aux deux plumes, Anubis le dieu grand, à sa gauche, le dieu grand Thot à sa droite, les dieux du conseil des gens de l’Amentît à sa gauche et à sa droite, la balance dressée au milieu en face d’eux, où ils pesaient les méfaits contre les mérites, tandis que Thot le dieu grand remplissait le rôle d’écrivain et qu’Anubis leur adressait la parole : celui dont ils trouveront les méfaits plus nombreux que les mérites ils le livreront à Amaît, la chienne du maître de l’Amentît, ils détruiront son âme et son corps et ils ne lui permettront plus de respirer jamais ; celui dont ils trouveront les mérites plus nombreux que les méfaits, ils l’amènent parmi les dieux du conseil du maître de l’Amentît et son âme va au ciel parmi les mânes vénérables ; celui dont ils trouveront les mérites équivalents aux fautes, ils le placent parmi les mânes munis d’amulettes qui servent Sokarosiris.

Lors, Satmi aperçut un personnage de distinction, revêtu d’étoffes de fin lin, et qui était proche l’endroit où Osiris se tenait, dans un rang très relevé. Tandis que Satmi s’émerveillait de ce qu’il voyait dans l’Amentît, Sénosiris se mit devant lui, disant : « Mon père Satmi, vois-tu pas ce haut personnage revêtu de vêtements de fin lin et qui est près de l’endroit où Osiris se tient ? Ce pauvre homme que tu vis qu’on emmenait hors de Memphis, sans que personne l’accompagnât, et qui était roulé dans une natte, c’est lui ! On le conduisit à l’Hadès, on pesa ses méfaits contre ses mérites qu’il eut étant sur terre, on trouva ses mérites plus nombreux que ses méfaits. Donné qu’au temps de vie que Thot inscrivit à son compte ne correspondit pas une somme de bonheur suffisante tandis qu’il était sur terre, on ordonna par-devant Osiris de transférer le trousseau funèbre de ce riche que tu vis emmener hors de Memphis avec force honneurs, à ce pauvre homme que voici, puis de le remettre parmi les mânes vénérables, féaux de Sokarosiris, proche l’endroit où Osiris se tient. Ce riche que tu vis, on le conduisit à l’Hadès, on pesa ses méfaits contre ses mérites, on lui trouva ses méfaits nombreux plus que ses mérites qu’il eut sur terre, on ordonna de le rétribuer dans l’Amentît, et c’est lui que tu as vu, le pivot de la porte d’Amentît planté sur son œil droit et roulant sur cet œil, soit qu’on ferme ou qu’on ouvre, tandis que sa bouche pousse de grands cris. Par la vie d’Osiris, le dieu grand, maître de l’Amentît, si je t’ai dit sur terre : « Te soit fait ainsi qu’on fait à ce pauvre homme, mais ne te soit pas fait ainsi qu’il est fait à ce riche ! » c’est que je savais ce qui allait arriver à celui-ci ». Satmi dit : « Mon fils Sénosiris, nombreuses sont les merveilles que j’ai vues dans l’Amentît ! Maintenant donc, puissé-je apprendre ce qu’il en est de ces gens qui courent et s’agitent, tandis que des ânes mangent derrière eux, ainsi que de ces autres qui ont leur nourriture, pain et eau, suspendue au-dessus d’eux, et qui s’élancent afin de la mener bas, tandis que d’autres creusent des trous à leurs pieds pour les empêcher de l’atteindre ? ». Sénosiris reprit : « En vérité, je te le dis, mon père Satmi, ces gens que tu vis, qui courent et s’agitent tandis que des ânes mangent derrière eux, c’est l’image des gens de cette terre qui sont sous la malédiction du Dieu et qui travaillent nuit et jour pour leur subsistance, mais, comme leurs femmes la leur volent par derrière, ils n’ont pas de pain à manger. Revenus à l’Amentît, on trouve que leurs méfaits sont plus nombreux que leurs mérites, et ils éprouvent que ce qu’il en était d’eux sur terre, il en est d’eux encore dans l’Amentît, d’eux comme aussi de ceux que tu as vus, leur nourriture, eau et pain, suspendue au-dessus d’eux et qui s’élancent pour la mener bas tandis que d’autres creusent des trous à leurs pieds pour les empêcher de l’atteindre ; ceux-ci, c’est l’image des gens de cette terre qui ont leur subsistance devant eux, mais le dieu creuse des trous devant eux pour les empêcher de la trouver. Revenus à l’Amentît, voici, ce qu’il en était d’eux sur cette terre, il en est d’eux encore dans l’Amentît ; à être reçue leur âme dans l’Amentît, ils éprouvent, s’il te plait, mon père Satmi, que celui qui fait le bien sur terre on lui fait le bien dans l’Amentît, mais que celui qui fait le mal on lui fait le mal. Elles ont été établies pour toujours et elles ne changeront jamais ces choses que tu vois dans l’Hadès de Memphis, et elles se produisent dans les quarante-deux nomes où sont les dieux du conseil d’Osiris ».

Lorsque Sénosiris eut terminé ces paroles qu’il disait devant Satmi, son père, il remonta à la montagne de Memphis, tenant son père embrassé et sa main dans sa main. Satmi l’interrogea disant : « Mon fils Sénosiris, elle diffère la place par où l’on descend de celle par où nous sommes remontés ? » Sénosiris ne répondit à Satmi parole du monde, et Satmi s’émerveilla des discours qu’il lui avait tenus, disant : « Il sera capable de devenir un mâne véritable et un serviteur du dieu, et j’irai à l’Hadès avec lui disant : « Celui-ci est mon fils ! » Satmi récita une formule du livre d’exorciser les mânes, et il demeura dans le plus grand étonnement du monde à cause des choses qu’il avait vues dans l’Amentît, mais elles lui pesaient sur le cœur beaucoup ; pour ne pouvoir les révéler à homme au monde. Quand le petit garçon Sénosiris eut douze ans, il n’y eut scribe ni magicien dans Memphis qui l’égalât en la lecture des grimoires.

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Après cela, il advint, un jour que Pharaon Ousimarès était assis en la cour d’audience du palais de Pharaon à Memphis, tandis que l’assemblée des princes, des chefs militaires, des principaux de l’Égypte, se tenait debout devant lui, chacun à son rang dans la cour, on vint dire à Sa Majesté : « Voici le discours que fait une peste d’Éthiopien, à savoir, qu’il apporte sur lui une lettre scellée ». Sitôt qu’on l’eut rapporté devant Pharaon, voici qu’on amena l’homme dans la cour. Il salua disant : « Qui d’ici pourra lire cette lettre que j’apporte en Égypte devant Pharaon, mais sans gâter le sceau, de façon à lire l’écrit qui est en elle sans l’ouvrir ? S’il arrive qu’il n’y ait bon scribe, ni savant en Égypte qui puisse la lire sans l’ouvrir, je rapporterai l’infériorité de l’Égypte à la terre des Nègres, mon pays ». Au moment que Pharaon et ses princes entendirent ces paroles ils ne surent plus le lieu de la terre où ils étaient, et ils dirent : « Par la vie de Phtah, le dieu grand, est-il force de bon scribe ou de magicien, habile à lire des écrits dont il voit la teneur, qui puisse lire une lettre sans l’ouvrir ? » Pharaon dit : « Qu’on m’appelle Satmi Khâmois, mon fils ! » On courut, on le lui amena à l’instant, il s’inclina jusqu’à terre, il adora Pharaon, puis il se releva et il se tint debout, bénissant et acclamant Pharaon. Pharaon lui dit : « Mon fils Satmi, as-tu entendu les paroles que cette peste d’Éthiopien a dites devant moi, disant : « Y a-t-il a un bon scribe ou un homme instruit en Égypte qui puisse lire la lettre qui est en ma main sans briser le sceau, et qui sache ce qu’il y a d’écrit en elle sans l’ouvrir ? » L’instant que Satmi entendit ces paroles, il ne sut plus l’endroit du monde où il était, il dit : « Mon grand seigneur qui est-ce qui serait capable de lire une lettre sans l’ouvrir ? Maintenant donc qu’on me donne dix jours de répit, que je puisse voir ce que je suis capable de faire, pour éviter que l’infériorité de l’Égypte soit rapportée au pays des Nègres mangeurs de gomme ». Pharaon dit : « Ils sont donnés à mon fils Satmi ». On assigna des appartements où se retirer à l’Éthiopien, on lui prépara des saletés à la mode d’Éthiopie, puis Pharaon se leva en la cour, son cœur triste excessivement, et il se coucha sans boire ni manger.

Satmi rentra dans ses appartements sans plus savoir la place du monde où il allait. Il se serra dans ses vêtements de la tête aux pieds, et il se coucha sans plus savoir l’endroit du monde où il était. On le manda à Mahîtouaskhît, sa femme ; elle vint à l’endroit où était Satmi, elle passa la main sous ses vêtements. Elle lui dit : « Mon frère Satmi, point de fièvre au sein, souplesse des membres maladie, tristesse de cœur ! » Il lui dit : « Laisse-moi, ma sœur Mahîtouaskhît ! L’affaire pour laquelle mon cœur se trouble, n’est pas une affaire qu’il soit bon de découvrir à une femme ! » Le petit garçon Sénosiris entra ensuite, il se pencha sur Satmi, son père, et il lui dit « Mon père Satmi, pourquoi es-tu couché, le cœur troublé ? Les affaires que tu enfermes en ton mur dis-les moi que je les écarte ». Il répondit : « Laisse-moi, mon enfant Sénosiris ! les affaires qui sont en mon cœur, tu es d’âge trop tendre pour t’en occuper ». Sénosiris dit « Dis-les moi, que je rende ton cœur calme à leur propos ». Satmi lui dit : « Mon fils Sénosiris, c’est une peste d’Éthiopie qui est venue en Égypte, apportant sur son corps une lettre scellée et disant : « Est-il ici celui qui la lira sans l’ouvrir ? S’il arrive qu’il n’y ait ni bon scribe ni savant en Égypte qui soit capable de la lire, je rapporterai l’infériorité de l’Égypte à la terre des Nègres, mon pays ». Je me suis couché, le cœur troublé à ce propos, mon fils Sénosiris ». L’heure que Sénosiris entendit ces paroles, il éclata de rire longuement. Satmi lui dit : « Pourquoi ris-tu ? » Il dit : « Je ris de te voir couché ainsi, le cœur troublé pour cause d’affaire si petite. Lève-toi, mon père Satmi, car je lirai sans l’ouvrir la lettre qu’on a apportée en Égypte, si bien que je trouverai ce qui est écrit en elle sans briser le sceau ». L’heure que Satmi entendit ces paroles, il se leva soudain et il dit : « Quelle est la garantie des paroles que tu as dites, mon enfant Sénosiris ? » Il lui dit : « Mon père Satmi, va, aux chambres du rez-de-chaussée de ton logis, et chaque livre que tu tireras de son vase, je te dirai quel livre c’est, je le lirai sans le voir, me tenant en avant de toi dans les chambres du rez-de-chaussée ». Satmi se leva, il se tint debout, et tout ce que Sénosiris avait dit, Sénosiris le fit complètement : Sénosiris lut tous les livres que Satmi son père prit en avant de lui, sans les ouvrir. Satmi remonta des chambres du rez-de-chaussée, joyeux plus que personne au monde. Il ne tarda point d’aller à l’endroit où Pharaon était, il raconta devant lui toutes les choses que l’enfant Sénosiris lui avait dites, entièrement, et le cœur de Pharaon s’en réjouit extrêmement. Pharaon se leva pour faire fête en son temps avec Satmi, et il se fit amener Sénosiris à la fête devant lui ils burent, ils passèrent un jour heureux. Arrivé le lendemain au matin, Pharaon sortit dans la cour d’audience au milieu de ses nobles ; Pharaon envoya chercher la peste d’Éthiopien et celui-ci fut amené dans la cour avec la lettre scellée sur son corps, et il se tint debout au milieu de la cour. L’enfant Sénosiris vint au milieu également, il se tint au côté de la peste d’Éthiopien, il parla contre elle disant : « Malédiction, Éthiopien, ennemi contre qui s’irrite Amon, ton dieu ! C’est donc toi qui es monté en Égypte, le doux verger d’Osiris, le siège de Râ-Harmakhis, le bel horizon de l’Agathodémon, disant « Je rapporterai l’infériorité de l’Égypte à la terre des Nègres » ; l’hostilité d’Amon, ton Dieu, tombe sur toi ! Les paroles que je ferai défiler devant toi et qui sont écrites sur la lettre, ne dis rien d’elles qui soit faux devant Pharaon, ton souverain ! » L’heure que la peste d’Éthiopien vit le petit garçon Sénosiris debout dans la cour, il toucha la terre de sa tête et il parla, disant : « Toutes les paroles que tu prononceras, je ne dirai rien d’elles qui soit faux ! »

Commencement des récits que fit Sénosiris, les disant au milieu de la cour devant Pharaon et devant ses nobles, le peuple d’Égypte écoutant sa voix, tandis qu’il lisait ce qu’il y avait d’écrit sur la lettre de la peste d’Éthiopien qui se tenait debout au milieu de la cour, à savoir :

« Il arriva, un jour, au temps de Pharaon Manakhphrê Siamânou, – c’était un roi bienfaisant de la terre entière, l’Égypte regorgeait de toutes les bonnes choses en son temps, et nombreux étaient ses dons et ses travaux dans les grands temples de l’Égypte, – il arriva donc, un jour que le roi du pays des Nègres faisait la sieste dans le kiosque de plaisance d’Amon, il entendit la voix de trois pestes d’Éthiopiens qui causaient dans la maison de derrière. L’un d’eux parlait à voix haute, disant entre autres choses. « S’il plaisait Amon me garder d’accident, de sorte que le roi d’Égypte ne pût me maltraiter, je jetterais mes charmes sur l’Égypte, si bien que je ferais le peuple d’Égypte passer trois jours et trois nuits sans voir la lumière après les ténèbres ». Le second dit entre autres choses : « S’il plaisait Amon me garder d’accident, de sorte que le roi d’Égypte ne pût me maltraiter, je jetterais mes charmes sur l’Égypte, si bien que je ferais transporter le Pharaon d’Égypte au pays des Nègres, puis lui administrer une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par devant le roi, et enfin le remporter en Égypte dans six heures de temps, sans plus ». Le troisième dit entre autres choses : « S’il plaisait Amon me garder d’accident, de sorte que le roi d’Égypte ne pût me maltraiter, je jetterais mes charmes sur l’Égypte, si bien que j’empêcherais les champs de produire pendant trois ans ». L’heure que le roi d’Éthiopie entendit les discours et la voix des trois pestes d’Éthiopiens, il se les fit amener devant lui et il leur dit : « Qui d’entre vous a dit : « Je jetterai mes charmes sur l’Égypte, et je ne permettrai pas aux Égyptiens de voir la lumière trois jours et trois nuits ? » Ils dirent : « C’est Horus, le fils de Trîrît ». Il dit : « Qui d’entre vous a dit : « Je jetterai mes charmes sur l’Égypte, j’apporterai Pharaon au pays des Nègres, et je lui ferai administrer une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par devant le roi, puis je le ferai remporter en Égypte, dans six heures de temps, sans plus ? » Ils dirent : « C’est Horus, le fils de Tnahsît ». Il dit : « Qui d’entre vous a dit : « Je jetterai mes charmes sur l’Égypte, et j’empêcherai les champs de produire pendant trois ans ? » Ils dirent : « C’est Horus, le fils de Triphît ». Le roi dit donc à Horus ;, le fils de Tnahsît. « Exécute-la ton action magique par grimoire, et, comme vit Amon, le taureau de Méroé, mon dieu, si ta main accomplit ce qui convient, je te ferai du bien à plentée ».

Horus, le fils de Tnahsît, fabriqua un brancard en cire à quatre porteurs, il récita un grimoire sur eux, il souffla sur eux violemment, il leur donna de vivre, il leur commanda, disant : « Vous monterez en Égypte, vous apporterez le Pharaon d’Égypte à l’endroit où est le roi ; on lui administrera une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par devant le roi, puis vous le remporterez en Égypte, le tout dans six heures de temps, pas plus ». Ils dirent : « Certes, nous n’omettrons rien ». Les sorcelleries de l’Éthiopien filèrent donc vers l’Égypte, elles se firent maîtresses de la nuit, elles se firent maîtresses de Pharaon Manakhphrê Siamânou, elles l’apportèrent à la terre des Nègres au lieu où le roi était, elles lui administrèrent une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par devant le roi, puis elles le remportèrent en Égypte, le tout dans six heures de temps, sans plus ».

Ces récits donc Sénosiris les fit, les contant au milieu de la cour, devant Pharaon et devant ses nobles, et le peuple d’Égypte écoutant sa voix tandis qu’il disait : « L’hostilité d’Amon, ton dieu, tombe sur toi ! Les paroles que je fais défiler devant toi sont-elles bien celles qui sont écrites sur la lettre qui est dans ta main ? » La peste d’Éthiopien dit : « Continue de lire, car toutes tes paroles sont des paroles vraies, quantes elles sont ».

Sénosiris dit devant Pharaon : « Après donc que ces choses furent arrivées, on rapporta Pharaon Siamânou en Égypte, les reins moulus de coups excessivement, et il se coucha dans la chapelle de la ville de l’Horus, les reins moulus de coups excessivement. Arrivé le lendemain, au matin, Pharaon dit à ses courtisans : « Qu’est-il donc arrivé à l’Égypte que j’aie dû la quitter ? » Honteux de leurs pensées, les courtisans se dirent : « Peut-être la pensée de Pharaon s’est-elle éclipsée ! » Puis ils dirent-: « Tu es sain, tu es sain, Pharaon, notre grand maître, et Isis, la grande déesse, calmera tes afflictions ! Mais quelle est la signification des paroles que tu as dites devant nous, Pharaon, notre grand seigneur ? Puisque tu dors dans la chapelle de la ville de l’Horus, les dieux te protègent ». Pharaon se leva, il montra aux courtisans son dos moulu de coups excessivement, disant « Par la vie de Phtah, le dieu grand, on m’a porté au pays des Nègres pendant la nuit ; on m’a administré une volée de courbache, cinq cents coups, en public, devant le roi, puis on m’a rapporté en Égypte, le tout dans six heures de temps sans plus ». L’heure qu’ils virent les reins de Pharaon moulus de coups excessivement, ils ouvrirent la bouche pour de grands cris. Or Manakhhrô Siamânou avait un chef du secret des livres, de son nom Horus, le fils de Panishi, qui était savant extrêmement. Quand il vint à la place où le roi était, il poussa un grand cri, disant : « Monseigneur, ce sont là les sorcelleries des Éthiopiens. Par la vie de ta maison, je les ferai venir à ta maison de torture et d’exécution ». Pharaon lui dit « Fais vite, que je ne sois emmené au pays des Nègres une autre nuit ».

Le chef du secret, Horus, le fils de Panishi, alla à l’instant, il prit ses livres avec ses amulettes à la place où Pharaon était, il lui lut une formule, il lui lia un amulette pour empêcher les sorcelleries des Éthiopiens de s’emparer de lui, puis il s’en alla de devant Pharaon, il prit ses boules de parfums et ses vases à libations, il s’embarqua sur un bateau, et il se rendit sans tarder à Khmounou. Il entra dans le temple de Khmounou, il offrit l’encens et l’eau devant Thot neuf fois grand, le seigneur d’Hermopolis, le dieu grand, et il pria devant lui, disant : « Tourne ta face vers moi, monseigneur Thot, si bien que les Éthiopiens ne rapportent pas l’infériorité de l’Égypte à la terre des Nègres ! C’est toi qui as créé la magie par grimoire, toi qui as suspendu le ciel, établi la terre et l’Hadès, mis les dieux avec les étoiles ; puissé-je connaître le moyen de sauver Pharaon des sorcelleries des Éthiopiens ! » Horus, le fils de Panishi, se coucha dans le temple et il rêva un songe cette nuit même. La figure du grand dieu Thot lui parla, disant : « Es-tu pas Horus, le fils de Panishi, le chef du secret de Pharaon Manakhphrè Siamânou ? Donc, au matin de demain, entre dans la salle des livres du temple de Khmounou ; tu y découvriras un naos clos et scellé, tu l’ouvriras et tu y trouveras une boîte qui renferme un livre, celui-là même que j’écrivis de ma propre main. Tire-le, prends-en copie, puis remets-le à sa place, car c’est le grimoire même qui me protège contre les mauvais, et c’est lui qui protégera Pharaon, c’est lui qui le sauvera des sorcelleries des Éthiopiens ».

Lors donc qu’Horus, le fils de Panishi, s’éveilla de son rêve après avoir vu ces choses, il trouva que ce qui lui venait d’arriver lui arrivait par un acte divin, et il agit en tout selon ce qui lui avait été dit en son rêve. Il ne tarda pas d’aller à l’endroit où Pharaon était, et il lui fabriqua un charme écrit contre les sorcelleries. Quand le second jour fut, les sorcelleries d’Horus, le fils de Tnahsît, retournèrent en Égypte pendant la nuit, à l’endroit où Pharaon était, puis elles revinrent à l’endroit où était le roi en cette heure, car elles ne purent maîtriser Pharaon, à cause des charmes et des sorcelleries que le chef du secret, Horus, le fils de Panishi, avait liés sur lui. Le matin du lendemain, Pharaon conta devant le chef du secret, Horus, le fils de Panishi, tout ce qu’il avait vu pendant la nuit, et comment les sorcelleries des Éthiopiens s’en étaient allées, sans avoir pu le maîtriser. Horus, le fils de Panishi, se fit apporter de la cire pure en quantité, il en fit un brancard à quatre porteurs, il récita un grimoire sur eux, il souffla sur eux violemment, il leur donna de vivre, il leur commanda, disant : « Vous irez au pays des Nègres, cette nuit, vous apporterez le roi en Égypte à l’endroit où est Pharaon ; on lui administrera une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par devant Pharaon, puis vous le remporterez au pays des Nègres, le tout dans six heures de temps, sans plus ». Ils dirent : « Certes, nous n’omettrons rien ». Les sorcelleries d’Horus, le fils de Panishi, filèrent sur les nuages du ciel, et elles ne tardèrent pas d’aller au pays des Nègres pendant la nuit. Elles s’emparèrent du roi, elles l’emportèrent en Égypte on lui administra une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par-devant le roi, puis elles le remportèrent au pays des Nègres, le tout dans six heures de temps, sans plus ».

Ces récits donc Sénosiris les fit, les contant au milieu de la cour, devant Pharaon et devant ses nobles, le peuple d’Égypte écoutant sa voix, tandis qu’il disait : « L’hostilité d’Amon, ton Dieu, tombe sur toi, méchant Éthiopien ! Les paroles que je dis sont-elles celles qui sont écrites sur cette lettre ? » L’Éthiopien dit, la tête baissée vers le sol : « Continue de lire, car toutes les paroles que tu dis sont celles qui sont écrites sur cette lettre ».

Sénosiris dit : « Après donc que ces choses furent arrivées, qu’on eut rapporté le roi au pays des Nègres en six heures, sans plus, et qu’on l’eut déposé en sa place, il se coucha et il se leva au matin, moulu excessivement des coups qui lui avaient été donnés en Égypte. Il dit à ses courtisans : « Ce que mes sorcelleries avaient fait à Pharaon, les sorcelleries de Pharaon me l’ont fait à mon tour. Elles m’ont porté en Égypte pendant la nuit on m’a administré une volée de courbache, cinq cents coups, devant Pharaon d’Égypte, puis elles m’ont rapporté au pays des Nègres ». Il tourna le dos à ses courtisans, et ils ouvrirent la bouche pour de grands cris. Le roi fit chercher Horus, le fils de Tnahsît, et dit : « Prends garde pour toi-même à Amon, le taureau de Méroé, mon Dieu ! Puisque c’est toi qui es allé chez le peuple d’Égypte, allons voir comment tu me sauveras des sorcelleries d’Horus, le fils de Panishi. Il fabriqua ses sorcelleries, il les lia sur le roi pour le sauver des sorcelleries d’Horus, le fils de Panishi. Quand ce fut la nuit du second jour, les sorcelleries d’Horus, le fils de Panishi, se transportèrent au pays des Nègres et elles emmenèrent le roi en Égypte ; on lui administra une volée de courbache, cinq cents coups, en public, devant Pharaon, puis elles le rapportèrent au pays des Nègres, le tout en six heures de temps, sans plus. Ce traitement advint au roi trois jours durant, sans que les sorcelleries des Éthiopiens fussent capables de sauver le roi de la main d’Horus, le fils de Panishi, et le roi s’affligea excessivement, et il se fit amener Horus, le fils de Tnahsît, et il lui dit : « Malheur à toi, ennemi de l’Éthiopie, après m’avoir humilié par la main des Égyptiens, tu n’as pas pu me sauver de leurs mains ! Par la vie d’Amon, le taureau de Méroé, mon Dieu, s’il arrive que tu ne saches comment me sauver des barques magiques des Égyptiens, je te livrerai à une mort mauvaise et qui sera lente pour toi ! » Il dit : « Monseigneur le roi, qu’on m’envoie en Égypte afin que je puisse voir celui des Égyptiens qui fabrique les sorcelleries, que je puisse faire œuvre de magie contre lui, et que je lui inflige le châtiment que je médite contre ses mains ». On envoya donc Horus, le fils de Tnahsît, de par-devant le roi, et il alla d’abord à l’endroit où sa mère Tnahsît était. Elle lui dit : « Quel est ton dessein, mon fils Horus ? » Il lui dit : « Les sorcelleries d’Horus, le fils de Panishi, ont maîtrisé mes sorcelleries. Elles ont transporté par trois fois le roi en Égypte, à l’endroit où est Pharaon, on lui a administré une volée de courbache, cinq cents coups, en public, par-devant Pharaon, puis elles l’ont rapporté à la terre des Nègres, le tout en six heures de temps, sans plus, et mes sorcelleries n’ont pu le sauver de leurs mains. Et maintenant le roi est irrité contre moi excessivement, et, pour éviter qu’il me livre à la mort mauvaise et lente, je veux aller en Égypte afin de voir celui qui fabrique les sorcelleries et de lui infliger le châtiment que je médite contre ses mains ». Elle dit : « Sois sage, ô mon fils Horus, et ne va pas au lieu où est Horus, le fils de Panishi. Si tu vas en Égypte pour y conjurer, garde toi contre les hommes d’Égypte, car tu ne peux pas lutter contre eux ni les vaincre, si bien que tu ne reviendras pas au pays des Nègres, jamais. Il lui dit : « Ce ne m’est rien les discours que tu me tiens ; je ne puis pas ne pas aller en Égypte, pour y jeter mes sortilèges ». Tnahsît, sa mère, lui dit : « Puis donc qu’il faut que tu te rendes en Égypte, établis des signes entre toi et moi : s’il arrive que tu sois vaincu, je viendrai vers toi pour voir si je puis te sauver ». Il lui dit : « Si je suis vaincu, lorsque tu boiras ou que tu mangeras, l’eau deviendra couleur de sang devant toi, les provisions deviendront couleur de sang devant toi, le ciel deviendra couleur de sang devant toi ».

Quand Horus, le fils de Tnahsît, eut établi des signes entre lui et sa mère, il fila vers l’Égypte, ayant mangé les sorcelleries, il voyagea depuis ce qu’Amon fit jusqu’à Memphis et jusqu’au lieu où Pharaon se tenait dépistant qui faisait magie de grimoire en Égypte. Lorsqu’il arriva dans la cour d’audience par-devant Pharaon, il parla d’une voix haute, disant : « Holà, qui est-ce qui fait sorcellerie contre moi dans la cour d’audience, à la place où se tient le Pharaon, au vu du peuple d’Égypte ? Les deux scribes de la Maison de Vie, ou seulement le scribe de la Maison de Vie qui a ensorcelé le roi, l’amenant en Égypte malgré moi ? » Après qu’il eut parlé de la sorte, Horus, le fils de Panishi, qui se tenait dans la cour d’audience par-devant Pharaon, dit : « Holà, l’ennemi éthiopien, n’es-tu pas Horus, le fils de Tnahsît ? N’es-tu pas celui qui pour me fasciner dans les vergers de Râ, ayant avec toi ton compagnon éthiopien, t’es plongé avec lui dans l’eau, et t’es laissé couler avec lui sous la montagne, à l’est d’Héliopolis ? N’est-ce pas toi qui t’es plu à faire voyager Pharaon, ton maître, et qui l’as fait rouer de coups, à l’endroit où le roi d’Éthiopie se trouvait, puis qui viens vers l’Égypte, disant « N’y a-t-il pas ici qui fait sorcellerie contre moi ? Par la vie d’Atoumou, le maître d’Héliopolis, les dieux de l’Égypte t’ont ramené ici pour te rétribuer dans leur pays. Prends ton courage, car je viens à toi ! » L’heure que dit ces mots Horus, le fils de Panishi, Horus, le fils de Tnahsît, lui répondit, disant : « Est-ce pas celui à qui j’enseignai le discours du chacal qui fait sorcellerie contre moi ? » La peste d’Éthiopien fit une opération de magie par grimoire ; elle fit jaillir la flamme dans la cour d’audience, et Pharaon, ainsi que les principaux de l’Égypte, poussa un grand cri, disant : « Accours à nous, chef des écrits, Horus, le fils de Panishi ! » Horus, le fils de Panishi, fit une formule de grimoire ; il fit se produire au ciel une pluie du midi au-dessus de la flamme, et celle-ci fut éteinte en un instant. L’Éthiopien fit une autre opération de magie par grimoire ; il fit paraître une nuée immense sur la cour d’audience, si bien que personne n’aperçut plus son frère ni son compagnon. Horus, le fils de Panishi, récita un écrit vers le ciel, et il déblaya celui-ci, si bien qu’il se rasséréna du vent mauvais qui soufflait en lui. Horus, le fils de Tnahsît, fit une autre opération de magie par grimoire ; il fit paraître une voûte énorme de pierre, longue de deux cents coudées et large de cinquante, au-dessus de Pharaon ainsi que de ses princes, et cela afin de séparer l’Égypte de son roi, la terre de son souverain. Pharaon regarda en haut, il aperçut la voûte de pierre au-dessus de lui, il ouvrit sa bouche d’un grand cri, lui et le peuple qui était dans la cour d’audience. Horus, le fils de Panishi, récita une formule de grimoire ; il fit paraître un canot de papyrus, il le fit se charger de la voûte de pierre, et le canot s’en alla avec celle-ci au bassin immense, la grande eau de l’Égypte !

La peste d’Éthiopien le sut qu’il était incapable de lutter contre le sorcier d’Égypte ; il fit une opération de magie par grimoire, si bien que personne ne le vît plus dans la cour d’audience, et cela avec l’intention de s’en aller à la Terre des Nègres, son pays. Mais Horus, le fils de Panishi, récita un écrit sur lui, il dévoila les sorcelleries de l’Éthiopien, il fit que Pharaon le vit, ainsi que les peuples d’Égypte qui se tenaient dans la cour d’audience, si bien qu’il sembla un vilain oison prêt à partir. Horus, le fils de Panishi, récita un écrit sur lui ; il le renversa sur le dos, avec un oiseleur debout au-dessus de lui, un couteau pointu à la main, sur le point de lui faire un mauvais parti. Tandis que tout cela s’accomplissait, les signes dont Horus, le fils de Tnahsît, était convenu entre lui et sa mère, se produisaient tous par-devant elle ; elle n’hésita pas à monter vers l’Égypte en la forme de l’oie, et elle s’arrêta au-dessus du palais de Pharaon, elle claironna à toute sa voix vers son fils, qui avait la forme d’un vilain oiseau menacé par l’oiseleur. Horus, le fils de Panishi, regarda au ciel, il vit Tnahsît sous la forme en laquelle elle était, et il reconnut que c’était Tnahsît l’Éthiopienne ; il récita un grimoire contre elle, il la renversa sur le dos avec un oiseleur debout au-dessus d’elle, dont le couteau allait lui donner la mort. Elle se mua de la forme en laquelle elle était, elle prit la forme d’une femme éthiopienne, et elle le supplia, disant : « Ne viens pas contre nous, Horus, le fils de Panishi, mais pardonne-nous cet acte criminel ! Si tant est que tu nous donnes un bateau, nous ne reviendrons plus en Égypte une autre fois ! » Horus, le fils de Panishi, jura par Pharaon ainsi que par les dieux de l’Égypte, à savoir : « Je ne suspendrai pas mon opération de magie par grimoire, si vous ne me prêtez serment de ne jamais revenir en Égypte sous aucun prétexte ». Tnahsît leva la main en foi qu’elle ne viendrait en Égypte à toujours et à jamais. Horus, le fils de Tnahsît, jura, disant : « Je ne reviendrai pas en Égypte avant quinze cents ans ! » Horus, le fils de Panishi, renversa son opération de grimoire ; il donna un bateau à Horus, le fils de Tnahsît, ainsi qu’à Tnahsît, sa mère, et ils filèrent vers la Terre des Nègres, leur pays ».

Ces discours, Sénosiris les tint par-devant Pharaon, tandis que le peuple entendait sa voix, que Satmi, son père, voyait tout, que la peste d’Éthiopien était prosternée le front contre terre, puis il dit : « Par la vie de ta face, mon grand Seigneur, l’homme que voici devant toi, c’est Horus, le fils de Tnahsît, celui-là même de qui je raconte les actes, qui ne s’est pas repenti de ce qu’il fit auparavant, mais qui est revenu en Égypte après quinze cents ans pour y jeter ses sortilèges. Par la vie d’Osiris, le dieu grand, maître de l’Amentît, devant qui je vais reposer, je suis Horus, le fils de Panishi, moi qui me tiens ici devant Pharaon. Lorsque j’appris dans l’Amentît que cet ennemi d’Éthiopien allait jeter ses sacrilèges contre l’Égypte, comme il n’y avait plus en Égypte ni bon scribe, ni savant qui pût lutter contre lui, je suppliai Osiris dans l’Amentît qu’il me permît de paraître sur terre de nouveau, pour empêcher celui-ci d’apporter l’infériorité de l’Égypte à la Terre des Nègres. On commanda par-devant Osiris de me ramener à la terre et je ressuscitai, je montai en germe jusqu’à ce que je rencontrai Satmi, le fils de Pharaon, sur la montagne d’Héliopolis ou de Memphis ; je crûs en ce plant de colocase afin de rentrer dans un corps et de renaître à la terre, pour faire sorcellerie contre cet ennemi d’Éthiopien qui est là dans la cour d’audience ». Horus, le fils de Panishi, fit une opération de magie par grimoire, en la figure de Sénosiris, contre la peste d’Éthiopien ; il l’enveloppa d’un feu qui le consuma dans le milieu de la cour, au vu de Pharaon ainsi que de ses nobles et du peuple d’Égypte, puis Sénosiris s’évanouit comme une ombre d’auprès de Pharaon et de son père Satmi, si bien qu’ils ne le virent plus.

Pharaon s’émerveilla plus que tout au monde, ainsi que ses nobles, des choses qu’ils avaient vues sur la cour d’audience, disant : « Il n’y eut jamais bon scribe, ni savant pareil à Horus, le fils de Panishi, et il n’y en aura plus de la sorte après lui de nouveau ». Satmi ouvrit sa bouche d’un grand cri pour ce que Sénosiris s’était évanoui comme une ombre et qu’il ne le voyait plus. Pharaon se leva de la cour d’audience, le cœur très affligé de ce qu’il avait vu ; Pharaon commanda qu’on fit des préparatifs en présence de Satmi pour le bien accueillir à cause de son fils Sénosiris et pour lui réconforter le cœur. Le soir venu, Satmi s’en alla à ses appartements, le cœur troublé grandement, et sa femme Mahîtouaskhît se coucha près de lui elle conçut de lui la nuit même, elle ne tarda pas à mettre au monde un enfant mâle, qu’on nomma Ousimanthor.

Toutefois, il arriva que jamais Satmi n’interrompit de faire des offrandes et des libations par-devant le génie d’Horus, le fils de Panishi, en tout temps. C’est ici la fin de ce livre qu’a écrit…

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