(p. 170) ÉCLAIRCISSEMENTS EXTRAIT DE L'OUVRAGE DE M. PRICE, SUR LES RACES DE L'ANGLETERRE. (Voyez page 140.)

MM. Thierry et Edwards ont adopté l'opinion de la persistance des races; M. Price adopte celle de leur mutabilité. Mais il devait être franchement spiritualiste et expliquer les modifications qu'elles subissent par l'action de la liberté travaillant la matière. Il n'a su trouver à l'appui de son point de vue biblique que des hypothèses matérialistes.

Toutefois, nous extrairons de son ouvrage quelques résultats intéressants (An Essay on the physiognomy and physiology of the present inhabitants of Britain, with reference to their origin, as Goths and Celts, by the Rev. T. Price, London, 1829).

Tout ce que les anciens disent des yeux bleus et cheveux blonds des Germains ne désigne pas plus les Goths que les Celtes, parce qu'il y avait des Celtes dans la Germanie. Les Cimbres étaient des Celtes; Pline, parlant de la Baltique, et citant Philémon, dit: Morimarusam a Cimbris vocari, hoc est, mortuum mare (en welche Môrmarw).

L'auteur pense qu'il y a eu un changement des cheveux, du roux au jaune et du jaune au brun: Tacite: «Rutilæ Caledoniam habitantium comæ, magni artus Germanicam originem asseverant.» Dans les triades bretonnes, une colonie gaélique de race scot-irlandaise est appelée: Les rouges Gaëls d'Irlande. Dans le vieux gaélique Duan, qui fut récité par le barde de Malcolm III en 1057, on voit que les montagnards avaient les cheveux jaunes:

A Eolcha Alban nile
A Schluagh fela foltbhuidle.

O ye learned Albanians all, ye learned yellow-haired hosts!

(p. 171) Aujourd'hui le brun est la couleur dominante chez les montagnards. Il ne faut pas croire que les hommes distingués soient d'origine gothique et les autres Celtes. La diversité de nourriture explique la différence, comme on le voit dans les animaux transportés dans de plus riches pâturages (par exemple de Bretagne en Normandie).

Le climat et les habitudes changent les races; Camper remarque que déjà les Anglo-Américains ont la face longue et étroite, l'œil serré. West ajoute qu'ils ont le teint moins fleuri que les Anglais. L'œil devient sombre dans le voisinage des mines de charbon et partout où l'on en brûle (?).

César attribue aux Belges une origine germanique: «Plerosque a Germanis ortos.» Mais Strabon dit qu'ils parlaient la langue des Gaulois: «Μικρὸν ἐξαλλατοῦντας τῃ γλωσσῃ...» La chronique saxonne parle d'Hengist qui «engagea les Welsh de Kent et Sussex.» Ces Welsh étaient des Belges selon Pinkerton. Les noms des villes belges, en Angleterre, sont bretons.

On ne trouve pas en Angleterre de traces de sang danois.—Les Normands conquérants étaient un peuple mêlé de Gaulois, Francs, Bretons, Flamands, Scandinaves, etc. Les hommes du Nord n'avaient pu exterminer les habitants de la Normandie, ni même diminuer de beaucoup leur nombre, puisque en cent soixante ans ils perdirent leur langue scandinave pour adopter celle des vaincus. Il serait ridicule de chercher les traces en Angleterre d'une population aussi mêlée que l'armée de Guillaume. Il paraît que dès lors les cheveux roux étaient rares, puisque c'était l'objet d'un surnom, Guillaume le Roux[150].

Vers York et Lancastre, où l'influence des habitudes manufacturières ne se fait pas sentir, les Anglais sont plus grands, mais plus lourds que dans le sud; l'œil bleu prévaut dans le comté de Lancastre. Les hommes du Cumberland (ce sont des Cymrys, qui ont perdu leur langue plus tôt que ceux de Cornouailles) n'ont rien qui les distingue des Anglais du Midi.

Entre l'Écossais et l'Anglais, il y a une différence indéfinissable; les traits durs et la proéminence des os des joues ne sont pas particuliers à l'Écosse. Les montagnards sont rarement (p. 172) grands, mais bien faits; généralement cheveux bruns, moins de vivacité qu'en Irlande, taille moins haute, population plus variée. Quoi qu'on dise de ces établissements des Norwégiens dans l'Ouest, c'est la même langue et la même physionomie que dans les montagnes d'Écosse.

Pays de Galles, variété infinie, nez romain très-fréquent, hommes de moyenne taille, mais fortement bâtis; on dit que la milice de Coemarthenshire demande plus de place pour former ses lignes que celle d'aucun autre comté. Dans le Nord, taille plus haute, beauté classique, mais traits petits.

L'Irlande, plus mêlée que la Grande-Bretagne; aujourd'hui étonnante uniformité de caractère moral et physique; deux classes seulement, les bien nourris, les mal nourris. Chez les paysans, cheveux bruns ou noirs, noirs surtout dans une partie du sud, mais l'œil toujours gris ou bleu[151], sourcils bas, épais et noirs, face longue, nez petit, tendant à relever; grande taille généralement, tous hommes bien faits; ceci est moins vrai depuis quarante ans, par suite de la misère dans plusieurs parties, surtout au sud. Bouche ouverte, ce qui leur donne un air stupide; extraordinaire facilité du langage, qui contraste avec leurs haillons. Tout mendiant est un bel esprit, un orateur, un philosophe. Espagnols au sud de l'Irlande depuis Élisabeth. Allemands palatins des bords du Rhin.

En France, visage rond; en Angleterre, ovale; en Allemagne, carré. Les yeux plus proéminents sur le continent qu'en Angleterre.—Ni en Normandie ni en Bourgogne il n'y a trace des hommes du Nord (excepté vers Bayeux et Vire).

Savoyards, petits, actifs; mâchoire très-carrée, œil gris, cheveux noirs, sourcils bas, épais.

Suisses, même mâchoire, hommes plus grands, œil bleu-ciel, avec un éclat qui ne plaît pas toujours, cheveux bruns.

(p. 173) Allemands, yeux gris, cheveux bruns ou blond pâle, mâchoire angulaire, nez rarement aquilin, mais bas à la racine; grande étendue entre les yeux, encore plus qu'en France.

Belges, œil d'un parfait bleu de Prusse, plus foncé autour de l'iris, visage plus long qu'en Allemagne.

Je croirais volontiers (ce que ne dit pas l'auteur) que, par l'action du temps et de la civilisation, les cheveux ont pu brunir, les yeux noircir, c'est-à-dire prendre le caractère d'une vie plus intense.

Share on Twitter Share on Facebook