Chapitre 19 Philosopher, c’est apprendre à mourir.

Cicéron dit que philosopher n’est autre chose que de se préparer à la mort. C’est qu’en effet, l’étude et la contemplation tirent en quelque sorte notre âme en dehors de nous, et l’occupent indépendamment de notre corps, ce qui constitue une sorte d’apprentissage de la mort et offre une certaine ressemblance avec elle. C’est aussi que toute la sagesse et le raisonnement du monde se concentrent en ce point : nous apprendre à ne pas craindre de mourir. En vérité, ou la raison se moque de nous, ou bien elle ne doit viser qu’à notre contentement, et tout son travail doit tendre en somme à nous faire bien vivre et vivre à notre aise, comme il est dit dans la Sainte Écriture. Toutes les conceptions que l’on peut se faire du monde en arrivent là : le plaisir est notre but, même si les moyens d’y parvenir peuvent être divers – sinon, on les repousserait aussitôt. Car enfin, qui écouterait celui qui se proposerait comme objectif notre peine et notre mal-être ? Les dissensions entre les sectes philosophiques là-dessus sont purement verbales. « Passons vite sur ces subtiles frivolités » [Sénèque, Épîtres, 117]. Il y a plus d’acharnement et d’agacerie qu’il ne convient à une aussi noble profession. Mais quel que soit le personnage que l’homme s’efforce de jouer, il joue toujours aussi le sien propre en même temps. Quoi qu’ils en disent, dans la vertu même, le but ultime de notre démarche, c’est la volupté. Il me plaît de leur rebattre les oreilles avec ce mot, qui les contrarie si fort : s’il signifie quelque plaisir suprême, et contentement excessif, il s’obtient mieux par le secours de la vertu que par nul autre. Si elle est plus gaillarde, nerveuse, robuste et virile, cette volupté n’en est véritablement que plus voluptueuse. Et nous aurions dû la nommer « plaisir », mot plus favorable, plus naturel et plus doux, plutôt que d’employer à son propos celui d’une « vigueur » – la vertu – comme nous l’avons fait. Si cette volupté inférieure avait mérité ce beau nom de plaisir, cela n’aurait pas été le résultat d’un privilège, mais d’une concurrence. Car je lui trouve plus d’inconvénients et de difficultés qu’à la vertu. Outre que son goût est plus momentané, plus mouvant et plus fragile, elle a ses veilles, ses jeûnes, ses travaux, elle implique la sueur et le sang. Sans oublier des souffrances aiguës de toutes sortes, avec à ses côtés une satiété si lourde qu’elle équivaut à une pénitence. Nous avons grand tort de penser que les incommodités du plaisir servent d’aiguillon et de condiment à sa douceur, comme on voit dans la nature que le contraire se vivifie par son contraire, et de dire, à propos de la vertu, que les mêmes conséquences et difficultés l’accablent, la rendent austère et inaccessible. Car dans le cas de la vertu, bien mieux que dans le cas de la volupté, ces difficultés ennoblissent, aiguisent et rehaussent le plaisir divin et parfait qu’elle nous procure. Celui qui met en balance son coût avec son profit est indigne de fréquenter la vertu : il n’en connaît ni les charme, ni le bon usage. Ceux qui vous disent que sa quête est difficile et laborieuse, et sa jouissance agréable, que nous disent-ils en fait, sinon qu’elle est toujours désagréable ? Car par quel moyen humain est-on jamais parvenu à sa jouissance ? Les plus parfaits se seraient contentés d’y aspirer, et de l’approcher sans la posséder… Mais non. Ils se trompent. Car de tous les plaisirs que nous connaissons, la poursuite même de celui-ci est plaisante. La qualité d’une entreprise est en rapport avec la qualité de l’objet poursuivi : cette qualité constitue une bonne partie de l’effet recherché, elle est de la même nature que lui. Le bonheur et la béatitude qui brillent dans la vertu remplissent toutes ses dépendances et les avenues qui y conduisent, de la première entrée à son ultime barrière. Or, l’un des principaux bienfaits de la vertu, c’est le mépris de la mort, qui donne à notre vie une douce tranquillité, et nous en donne le goût pur et attachant, sans quoi toute autre volupté est fade. Voilà pourquoi c’est sur ce mépris de la mort que se rencontrent et viennent converger toutes les règles morales. Et bien qu’elles nous conduisent toutes aussi d’un commun accord à mépriser la douleur, la pauvreté et autres inconvénients auxquels la vie humaine est exposée, ce n’est pas un souci de même ordre ; ces inconvénients ne sont pas inéluctables : la plupart des hommes passent leur vie sans être confrontés à la pauvreté  ; d’autres ne connaîtront jamais la douleur et la maladie – comme Xénophile le Musicien, qui vécut cent six ans en parfaite santé. Et qu’après tout, au pis aller, la mort peut mettre fin et couper court, quand il nous plaira, à tous nos malheurs. La mort, elle, est inévitable.

Nous sommes tous poussés vers le même endroit

Notre sort à tous est agité dans l’urne ; tôt ou tard

Il en sortira pour nous faire monter dans la barque de Caron

Vers la mort éternelle.

[Horace, Odes, II, 3,25]

Et par conséquent, si elle nous fait peur, c’est un sujet de tourment continuel, qu’on ne peut soulager d’aucune façon. Il n’est pas d’endroit où elle ne puisse nous rejoindre. Nous pouvons tourner la tête sans cesse d’un côté et de l’autre, comme en pays suspect : « c’est le rocher qui est toujours suspendu sur la tête de Tantale » . Nos Parlements renvoient souvent les criminels sur le lieu de leur crime pour y être exécutés. Durant le voyage, promenez-les par de belles maisons, qu’ils fassent bonne chère autant qu’il vous plaira,

Les mets exquis de Sicile n’auront pas de saveur pour lui,

Ni les chants d’oiseaux, ni la cithare

ne pourront lui rendre le sommeil.

[Horace, Odes, III, 1,18]

Pensez-vous qu’ils puissent s’en réjouir, et que le but ultime de leur voyage, leur étant constamment présent devant les yeux, ne leur ait altéré et affadi le goût pour tous ces agréments ?

Il s’enquiert du chemin, compte les jours,

mesure sa vie à la longueur de la route,

tourmenté par l’idée du supplice qui l’attend.

[Claudien, In Rufinum, II, 137]

Le but de notre chemin, c’est la mort ; c’est l’objet inéluctable de notre destinée ; si elle nous effraie, comment faire un pas en avant sans être pris de fièvre ? Le remède du vulgaire, c’est de ne pas y penser. Mais de quelle stupidité de brute peut lui venir un aveuglement aussi grossier ? C’est brider l’âne par la queue.

Lui qui s’est mis dans la tête d’avancer à reculons.

[Lucrèce, IV, 472]

Ce n’est pas étonnant s’il est si souvent pris au piège. On fait peur aux gens rien qu’en appelant la mort par son nom, et la plupart se signent en l’entendant, comme s’il s’agissait du nom du diable. Et parce qu’il figure dans les testaments, ils ne risquent pas d’y mettre la main avant que le médecin ne leur ait signifié leur fin imminente. Et Dieu sait alors, entre la douleur et la frayeur, de quel bon jugement ils vous l’affublent ! Parce que cette syllabe frappait trop durement leurs oreilles, et que ce mot leur semblait mal venu, les Romains avaient appris à l’adoucir ou à le délayer en périphrases. Au lieu de dire « il est mort », ils disent « il a cessé de vivre » ou encore « il a vécu ». Pourvu que ce soit le mot vie qu’ils emploient, fût-elle passée, ils sont rassurés. Nous en avons tiré notre expression « feu Maître Jean ». Mais peut-être que, comme on dit, le jeu en vaut la chandelle. Je suis né entre onze heures et midi, le dernier jour de février mille cinq cent trente trois (comme nous comptons maintenant, en commençant l’année en janvier). Il n’y a que quinze jours tout juste que j’ai dépassé les trente-neuf ans. Et il m’en faut pour le moins encore autant… Ce serait de la folie que de s’embarrasser dès maintenant en pensant à des choses aussi éloignées. Mais quoi ! Les jeunes et les vieux abandonnent la vie de la même façon. Nul n’en sort autrement que s’il venait d’y entrer à l’instant. Ajoutez à cela qu’il n’est pas un homme, si décrépit soit-il, qui ne pense avoir encore vingt ans devant lui, tant qu’il n’a pas atteint l’âge de Mathusalem ! Et de plus, pauvre fou que tu es, qui t’a fixé le terme de ta vie ? Tu te fondes sur ce que disent les médecins. Regarde plutôt la réalité et l’expérience. Les choses étant ce qu’elles sont, c’est déjà une chance extraordinaire que tu sois en vie. Tu as déjà dépassé le terme habituel de la vie ! La preuve : compte, parmi ceux que tu connais, combien sont morts avant ton âge : ils sont plus nombreux que ceux qui l’ont dépassé. Et parmi ceux dont la vie a été distinguée par la renommée, fais-en la liste, je gagerais bien d’en trouver plus qui sont morts avant qu’après trente-cinq ans. Il est raisonnable et pieux de se fonder sur l’humanité même de Jésus-Christ : et sa vie s’est achevée à trente-trois ans. Le plus grand des hommes, mais simplement homme, Alexandre, mourut aussi à cet âge-là. Combien la mort a-t-elle de façons de nous surprendre ?

Contre le danger à éviter

Jamais on ne se garde suffisamment à toute heure.

[Horace, Odes, II, xiii, 13]

Je laisse à part les fièvres et les pleurésies. Qui eût jamais pensé qu’un duc de Bretagne dût être étouffé par la foule, comme fut celui-là, à l’arrivée du pape Clément mon voisin, à Lyon ? N’a-t-on pas vu un de nos rois tué en prenant part à un jeu ? Et un de ses ancêtres ne mourut-il pas renversé par un pourceau ? Eschyle, menacé par la chute d’une maison, a beau se tenir au-dehors, le voilà assommé par la carapace d’une tortue tombée des pattes d’un aigle au-dessus de lui. Cet autre mourut à cause d’un grain de raisin. Un empereur, d’une égratignure de peigne, alors qu’il se coiffait. Emilius Lepidus mourut pour avoir heurté du pied le seuil de sa maison, et Aufidius pour s’être cogné, en entrant, contre la porte de la Chambre du Conseil.

Quant à ceux qui moururent entre les cuisses des femmes, on peut citer : Cornelius Gallus, prêteur, Tiginillus, capitaine du Guet à Rome, Ludovic, fils de Guy de Gonzague, marquis de Mantoue. Pire encore : Speusippe, philosophe platonicien, et l’un de nos papes. Le pauvre Bebius, juge, venait de donner un délai de huit jours à un plaignant : le voilà mort, son délai de vie à lui étant expiré aussi. Caius Julius, médecin, soignait les yeux d’un patient ; voilà la mort qui clôt les siens. Et si je dois me mêler à cela : un de mes frères, le capitaine Saint-Martin, âgé de vingt-trois ans, qui avait déjà donné des preuves de sa valeur, jouant à la paume, reçut la balle un peu au-dessus de l’oreille droite, sans qu’il y ait aucune trace de contusion ni de blessure ; il ne prit pas la peine de s’asseoir ni de se reposer. Mais cinq ou six heures plus tard, il mourut d’une apoplexie que ce coup lui avait causée. Avec ces exemples, si fréquents et si ordinaires, qui nous passent devant les yeux, comment serait-il possible de ne pas penser à la mort, au point qu’elle semble nous prendre sans cesse par le collet ? Qu’importe, me direz-vous, la façon dont cela se fera, du moment qu’on ne s’en soucie pas. Je suis de cet avis ; et quelle que soit la façon dont on puisse se mettre à l’abri de ses coups, fût-ce en prenant l’apparence d’un veau, je ne suis pas homme à reculer. Car il me suffit de passer mes jours à mon aise, et le meilleur jeu que je puisse me donner, je le prends, si peu glorieux et si peu exemplaire que je vous semble.

J’aimerais mieux passer pour un fou, un incapable,

Si mes défauts me plaisent ou me font illusion,

Que d’être sage et d’enrager.

[Horace, Épîtres, II, 2,126]

Mais c’est une folie que de penser y parvenir par là. Les gens vont et viennent, courent, dansent, et de la mort – nulle nouvelle. Tout cela est beau. Mais quand elle arrive, pour eux ou pour leurs femmes, leurs enfants, leurs amis, les prenant à l’improviste et sans défense, quels tourments ! Quels cris ! Quelle rage et quel désespoir les accablent ! Avez-vous jamais vu quelqu’un d’aussi humilié, d’aussi changé, de si confus ? Il faut se préparer à cela bien plus tôt. Car pour une telle insouciance, qui est proprement celle des bêtes, si toutefois elle pouvait s’installer dans la tête d’un homme sensé, ce qui me semble tout à fait impossible, le prix à payer serait bien trop élevé. S’il s’agissait d’un ennemi que l’on puisse éviter, je conseillerais d’employer les armes de la couardise. Mais puisque c’est impossible, puisqu’il vous attrape aussi bien, que vous soyez un poltron qui s’enfuit ou un homme d’honneur,

Certes il poursuit le lâche qui fuit et n’épargne pas les jarrets

Ni le dos d’une jeunesse sans courage.

Et comme nulle cuirasse d’acier trempé ne vous protège,

Il a beau se cacher prudemment sous le fer et le bronze,

La mort fera bientôt sortir cette tête pourtant si protégée.

[Properce, IV, 18]

Apprenons à soutenir de pied ferme cet ennemi et à le combattre. Et pour commencer, pour lui enlever son plus grand avantage contre nous, prenons une voie tout à fait contraire à celle que l’on prend couramment : ôtons-lui son étrangeté, pratiquons-le, accoutumons-nous à lui, n’ayons rien d’aussi souvent en tête que la mort : à chaque instant, que notre imagination se la représente, et mettons-la sur tous les visages. Quand un cheval fait un écart, quand une tuile tombe d’un toit, à la moindre piqûre d’épingle, répétons-nous : « Eh bien ! Et si c’était la mort elle-même ? » et là-dessus, raidissons-nous, faisons un effort sur nous-même. Au beau milieu des fêtes et des plaisirs, ayons toujours en tête ce refrain qui nous fasse nous souvenir de notre condition, et ne nous laissons pas emporter si fort par le plaisir que ne nous revienne en mémoire de combien de façons cette allégresse est minée par la mort, et par combien d’endroits elle en est menacée. Ainsi faisaient les Égyptiens quand, au beau milieu de leurs festins et de la meilleure chère, ils faisaient apporter le squelette d’un homme pour servir d’avertissement aux convives :

Imagine-toi que chaque jour est pour toi le dernier,

Et tu seras comblé par chaque heure que tu n’espérais pas.

[Horace, Épîtres, I, 4]

Puisque nous ne savons pas où la mort nous attend, attendons-la partout. Envisager la mort, c’est envisager la liberté. Qui a appris à mourir s’est affranchi de l’esclavage. Il n’y a rien de mal dans la vie, pour celui qui a bien compris qu’en être privé n’est pas un mal. Savoir mourir nous affranchit de toute sujétion ou contrainte. Paul-Émile répondit à celui que le misérable roi de Macédoine, son prisonnier, lui envoyait pour le prier de ne pas le faire défiler dans son triomphe : « Qu’il s’en fasse la requête à lui-même ! ». [Plutarque, Vie dePaul-Émile, XVIII] À vrai dire, en toute chose, si la nature n’y met un peu du sien, il y a peu de chances pour que l’art et l’habileté puissent aller bien loin. Je suis moi-même, non d’humeur noire, mais plutôt songe-creux. Il n’est rien dans quoi je me sois toujours plus entretenu que l’idée de la mort – et même à l’époque la plus légère de mon existence :

Quand ma vie dans sa fleur jouissait de son printemps

[Catulle, LXVIII, 16]

Au milieu des dames et des jeux, on me croyait occupé à digérer par devers moi quelque jalousie, ou l’incertitude de quelque espérance, alors que je songeais à je ne sais qui, surpris les jours précédents par une forte fièvre, et à sa fin, au sortir d’une fête semblable à celle-là, la tête pleine d’oisiveté, d’amour et du bon temps passé, comme moi – et que cela me pendait au nez à moi aussi.

Bientôt le présent sera passé

Et jamais plus nous ne pourrons le rappeler.

[Lucrèce, III, v. 915]

Je ne ridais pas plus mon front à cette pensée que pour une autre. Il est impossible que nous ne sentions pas d’entrée de jeu l’aiguillon de ces idées-là. Mais en les manipulant et les ressassant, à la longue, on finit sans doute par les apprivoiser. Car sinon, en ce qui me concerne, j’eusse été continuellement effrayé et agité : jamais homme ne se défia tant de sa vie, jamais homme ne se fit d’illusion sur sa durée. La santé dont j’ai joui jusqu’à présent, solide et rarement en défaut, ne me l’allongent, pas plus que les maladies ne la raccourcissent. À chaque instant, il me semble défaillir. Et je me répète sans cesse que tout ce qui peut être fait un autre jour le peut être dès aujourd’hui. En fait, les hasards de l’existence et ses dangers ne nous rapprochent que peu ou même pas du tout de notre fin. Et si nous songeons un instant à combien il en reste de millions d’autres suspendus au-dessus de notre tête, en plus de celui qui semble nous menacer le plus, nous trouverons que, vigoureux ou fiévreux, sur mer comme dans nos maisons, dans la bataille comme dans la paix, elle nous est également proche. « Aucun homme n’est plus fragile que son voisin, aucun n’est plus assuré du lendemain. » [Sénèque, Épîtres, XCI] Pour achever ce que j’ai à faire avant de mourir, le temps me paraît toujours trop court, même d’une heure. Feuilletant l’autre jour mes papiers, quelqu’un trouva une note sur quelque chose que je voulais que l’on fît après ma mort. Je lui dis – et c’était la vérité – que n’étant qu’à une lieue de ma maison, vif et en bonne santé, je m’étais hâté de l’écrire là, n’étant pas sûr d’arriver jusque chez moi. Je suis un homme enveloppé par ses pensées, et qui en même temps les enferme en lui. Je suis donc à tout instant préparé autant que je puis l’être, et la mort, si elle survient, ne m’apprendra rien de plus. Il faut toujours avoir ses bottes aux pieds et être prêt à partir, autant que faire se peut, et surtout, veiller à ce qu’en cet instant on n’ait à s’occuper que de soi.

Pourquoi, infatigables que nous sommes,

Dans une vie bien courte former tant de projets ?

[Horace, Odes, II, 16,17]

Car nous aurons alors bien assez à faire, pour ne pas y avoir besoin d’un surcroît. Tel se plaint, plus que de la mort de ce qu’il est privé d’une belle victoire. Tel autre qu’il lui faut s’en aller sans avoir marié sa fille, ou surveillé l’éducation de ses enfants. L’un regrette la compagnie de sa femme, l’autre celle de son fils, qui faisaient les agréments essentiels de leur existence.

Je suis pour l’heure dans un état tel, Dieu merci, que je puis m’en aller quand il lui plaira, sans regretter quoi que ce soit. Je dénoue tout ce qui m’attache : mes adieux sont quasi faits, sauf pour moi. Jamais homme ne se prépara à quitter le monde plus simplement et plus complètement, et ne s’en détacha plus universellement que je ne m’efforce de le faire. Les morts les plus mortes sont les plus saines.

Malheureux, ô malheureux que je suis, disent-ils,

Un seul jour m’enlève tous mes biens, et tant de charmes de la vie.

[Lucrèce, III, v. 898]

Et le bâtisseur,

Mes œuvres demeurent inachevées,

Énormes murs qui menacent ruine.

[Virgile, Énéide, IX, 88]

Il ne faut pas faire de projets de si longue haleine, ou du moins avec tant d’ardeur que l’on souffrira de ne pas en voir la fin. Nous sommes nés pour agir :

Quand je mourrai, que je sois surpris au milieu de mon travail.

[Ovide, Amours, II, 10,36]

Je veux qu’on agisse, et qu’on allonge les tâches de la vie autant qu’on le peut ; je veux que la mort me trouve en train de planter mes choux, sans me soucier d’elle, et encore moins de mon jardin inachevé. J’en ai vu mourir un qui, étant à la dernière extrémité, se plaignait constamment de ce que sa destinée coupait le fil de l’histoire qu’il tenait prête sur le quinzième ou seizième de nos rois. Ils n’ajoutent pas :

« Mais le regret de tous ces biens

Ne te suit pas et ne demeure pas attaché à tes restes ».

[Lucrèce, III, 90]

Il faut se défaire de ces idées vulgaires et nuisibles. De même qu’on a mis les cimetières auprès des églises, et dans les lieux les plus fréquentés de la ville, pour accoutumer, disait Lycurgue, le peuple, les femmes et les enfants à ne pas s’effaroucher devant un homme mort, et afin que le spectacle continuel d’ossements, de tombeaux, et de convois funèbres nous rappellent notre condition.

Bien plus, c’était la coutume jadis d’égayer les festins

Par des meurtres, d’y mêler le cruel spectacle

Des combats de gladiateurs qui souvent tombaient

Jusque sur les coupes et inondaient les tables de sang.

[Silius Italicus, XI, 51]

Les Égyptiens, après leurs festins, faisaient présenter aux convives une grande image de la mort, par quelqu’un qui criait : « Bois, réjouis-toi, car voilà comment tu seras quand tu seras mort ». Aussi ai-je pris moi-même l’habitude d’avoir continuellement la mort présente, non seulement dans mon imagination, mais aussi à la bouche. Et il n’est rien dont je m’informe aussi volontiers que de la mort des gens : quelle parole ils ont proférée, quel visage et quelle contenance il y ont eu. Et ce sont les passages que je scrute le plus dans les histoires. On voit bien, par les exemples dont je farcis mon texte, que j’ai une affection particulière pour ce sujet. Si j’étais un faiseur de livres, je ferais un registre commenté des morts de toutes sortes. Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre.

Dicéarque en fit un de ce genre, mais à une autre fin, et moins utile.

On me dira que la réalité de la mort dépasse tellement l’imagination qu’il n’y a pas d’escrime, si belle soit-elle, qui ne se montre dérisoire, quand on en arrive là. Mais laissons dire ces gens-là : la méditation préalable offre à coup sûr de grands avantages. Et puis encore : est-ce rien d’arriver au moins jusque-là sans encombre, et sans trouble ? Mais il y a plus encore ; la nature elle-même nous tend la main et nous encourage. S’il s’agit d’une mort courte et violente, nous n’avons pas le temps de la craindre. Et si elle est différente, je m’aperçois qu’au fur et à mesure que je m’enfonce dans la maladie, je me mets naturellement à éprouver du dédain envers la vie. Je me rends compte qu’il m’est bien plus difficile de me faire à cette acceptation de la mort quand je suis en bonne santé que quand je vais mal. Et comme je ne tiens plus autant aux agréments de la vie dès lors que je commence à en perdre l’usage et n’en éprouve plus de plaisir, je trouve de ce fait la mort beaucoup moins effrayante. Cela me fait espérer que plus je m’éloignerai de celle-là, et plus je m’approcherai de celle-ci, plus je m’accommoderai facilement d’échanger l’une pour l’autre. De même que j’ai éprouvé en plusieurs occasions ce que dit César, que les choses nous paraissent souvent plus grandes de loin que de près : ainsi j’ai constaté que quand j’étais en bonne santé, j’éprouvais une horreur bien plus grande à l’égard des maladies que lorsque j’en étais atteint. L’allégresse dans laquelle je suis, le plaisir et la force que je ressens, me font paraître l’autre état si disproportionné à celui-ci, que par imagination je grossis de moitié ses désagréments de moitié, et les trouve bien plus pénibles que quand je les ai sur les épaules. J’espère qu’il en sera de même, pour moi, de la mort. Observons, par ces changements et déclins ordinaires que nous subissons, comment la nature nous dissimule la vue de notre perte et de notre déchéance. Que reste-t-il à un vieillard de la vigueur de sa jeunesse et de sa vie passée ?

Hélas ! Quelle part de vie reste-t-il aux vieillards ?

[Pseudo-Gallus, I, 16]

À un soldat de sa garde, épuisé et abîmé, qui était venu lui demander la permission de mettre fin à ses jours, César répondit : « Tu penses donc être en vie ? » Si nous tombions tout à coup dans l’état sénile, je ne crois pas que nous serions capables de supporter un tel changement. Mais conduits par la main de la nature, par une pente douce et comme insensible, peu à peu, de degré en degré, elle nous enveloppe dans ce misérable état, et nous y apprivoise. Aussi ne sentons-nous aucune secousse quand la jeunesse meurt en nous, ce qui est véritablement une mort plus cruelle que n’est la mort complète d’une vie languissante, et que n’est la mort de la vieillesse ; car le saut du mal-être au non-être n’est pas aussi grand que celui d’un être doux et florissant à une état pénible et douloureux. Notre corps courbé et plié en deux a moins de force pour soutenir un fardeau : notre âme aussi. Il faut la redresser et l’opposer à l’effort de cet adversaire, car s’il est impossible qu’elle trouve le repos pendant qu’elle est sous sa menace, si elle se raffermit, au contraire, elle peut se vanter (ce qui est pour ainsi dire au-delà de notre condition humaine) de ne pas trouver en elle l’inquiétude, les tourments et la peur, ou même le moindre déplaisir.

Rien n’ébranle sa fermeté,

Ni le visage menaçant d’un tyran,

Ni l’Auster faisant rage en mer Adriatique

Ni Jupiter à la main porte-foudre.

[Horace, Odes, III, iii, 3-6]

Ainsi l’âme devient-elle maîtresse de ses passions et de ses concupiscences, elle domine le besoin, la honte, la pauvreté et toutes les autres injustices du sort. Profitons de cet avantage si nous le pouvons : c’est la vraie et souveraine liberté, celle qui nous permet de braver la force, l’injustice et de nous moquer des prisons et des chaînes.

Fers aux pieds et aux mains, je te ferai garder

Par un geôlier farouche. – Un dieu m’affranchira

Dis plutôt : je mourrai. En la mort tout finit.

[Horace, Épîtres, I, XVI, 76-78]

Notre religion n’a pas eu de fondement humain plus sûr que le mépris de la vie. La raison elle-même nous y conduit : pourquoi redouter de perdre une chose qui une fois perdue ne peut plus être regrettée ? Mais de plus, puisque nous sommes menacés de tant de sortes de mort, ne vaut-il pas mieux en affronter une que les craindre toutes ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire de savoir quand elle arrivera, puisqu’elle est inévitable ? À celui qui disait à Socrate : « Les trente tyrans t’ont condamné à mort » il répondit : « Eux, c’est la Nature. » Qu’il est sot de nous tourmenter à propos du moment où nous serons dispensé de tout tourment ! C’est par notre naissance que toutes choses sont nées ; de même la mort fera mourir toutes choses. Il est donc aussi fou de pleurer parce que nous ne vivrons pas dans cent ans que de pleurer parce que nous ne vivions pas il y a cent ans. La mort est l’origine d’une autre vie. Il nous en coûta d’entrer en celle-ci et nous en avons pleuré. Car nous avons dû dépouiller notre ancien voile en y entrant. Rien ne peut être vraiment pénible si cela n’a lieu qu’une seule fois. Y a-t-il une raison de craindre si longtemps quelque chose qui dure aussi peu ? Vivre longtemps ou peu de temps, c’est tout un au regard de la mort. Car ni le long ni le court ne peuvent s’appliquer aux choses qui ne sont plus. Aristote dut qu’il y a sur la rivière Hypanis, de petites bêtes qui ne vivent qu’un jour. Celle qui meurt à huit heures du matin, elle meurt dans sa jeunesse ; celle qui meurt à cinq heures du soir meurt en sa décrépitude. Qui ne se moquerait de voir tenir pour un bonheur ou un malheur un moment aussi court ? Et si nous comparons cela à l’éternité, à la durée des montagnes, des étoiles, des arbres et même de certains animaux, un peu plus ou un peu moins de vie, c’est aussi ridicule. La nature d’ailleurs nous y contraint : « Sortez, dit-elle, de ce monde, comme vous y êtes entrés. Le passage qui fut le vôtre de la mort à la vie, sans souffrance et sans frayeur, refaites-le de la vie à la mort. Votre mort est l’un des éléments de l’édifice de l’univers, c’est un élément de la vie du monde.

Les mortels qui se sont transmis entre eux la vie,

Sont pareils aux coureurs se passant un flambeau.

[Lucrèce, II, 76-79]

Pourquoi changerais-je pour vous ce bel agencement des choses ? La mort est la condition de votre création : elle fait partie de vous, et en la fuyant, vous vous fuyez vous-mêmes. Cette existence dont vous jouissez, appartient également à la mort et à la vie. Le jour de votre naissance est le premier pas sur le chemin qui vous mène à la mort aussi bien qu’à la vie.

La première heure, en la donnant, entame la vie.

[Sénèque, Hercule furieux, III, 874]

En naissant nous mourons ; la fin vient du début.

[Manilius, Astronomiques, IV, 16]

Tout ce que vous vivez, vous le dérobez à la vie, c’est à ses dépens. L’ouvrage continuel de votre vie, c’est de bâtir la mort. Vous êtes dans la mort pendant que vous êtes en vie, puisque vous êtes au-delà de la mort quand vous n’êtes plus en vie. Ou, si vous préférez ainsi : vous êtes mort après la vie, mais pendant la vie même, vous êtes mourant ; et la mort affecte bien plus brutalement le mourant que le mort, plus vivement et plus profondément. Si vous avez tiré profit de la vie, vous devez en être repu, allez vous-en satisfait.

Pourquoi ne sors-tu pas de la vie en convive rassasié ?

[Lucrèce, III, 938]

Si vous n’avez pas su en profiter, si elle vous a été inutile, que peut bien vous faire de l’avoir perdue ? À quoi bon la vouloir encore ?

Pourquoi donc cherches-tu à prolonger un temps

Que tu perdras toujours et achèveras sans fruit ?

[Lucrèce, II, 941-42]

La vie n’est en elle-même ni bien, ni mal. Le bien et le mal y ont la place que vous leur y donnez. Et si vous avez vécu ne serait-ce qu’un seul jour, vous avez tout vu : un jour est égal à tous les autres. Il n’y a point d’autre lumière ni d’autre nuit. Ce soleil, cette lune, les étoiles, cette ordonnance du monde, c’est de cela même que vos aïeux ont joui, et qui s’offrira à vos petits-enfants.

Vos pères n’en ont pas vu d’autre,

Vos fils n’en verront pas non plus.

[Manilius, I, 522-523]

Et de toutes façons, la distribution et la variété des actes de ma comédie se présente en une année. Avez-vous remarqué que le mouvement de mes quatre saisons, embrasse l’enfance, l’adolescence, l’âge mûr et la vieillesse du monde ? Quand il a fait son tour, il ne sait rien faire d’autre que recommencer. Il en sera toujours ainsi.

Nous tournons dans un cercle où nous restons toujours !

[Lucrèce, III, 1080]

Et sur ses propres pas, l’année roule sur elle-même.

[Virgile, Géorgiques, II, 402]

Je ne suis pas d’avis de vous forger de nouveaux passe-temps.

Je n’ai plus rien pour toi que je puisse inventer

Et de nouveaux plaisirs seront toujours les mêmes.

[Lucrèce, III, 944-45]

Faites de la place aux autres, comme les autres en ont fait pour vous. L’égalité est le fondement de l’équité. Qui peut se plaindre d’être inclus dans un tout où tout le monde est inclus ? Vous aurez beau vivre, vous ne réduirez pas le temps durant lequel vous serez mort : cela n’est rien en regard de lui. Vous serez dans cet état qui vous fait peur, aussi longtemps que si vous étiez mort en nourrice :

Enclos dans une vie autant de siècles que tu veux,

La mort n’en restera pas moins éternelle.

[Lucrèce, III, 1090-91]

Je vous mettrai dans une situation à laquelle vous ne verrez aucun inconvénient :

Ne sais-tu pas que la mort ne laissera

Aucun autre toi-même, vivant et debout,

déplorer sa propre perte ?

[Lucrèce, III, 885-887]

Et vous ne désirerez même plus la vie que vous regrettez tant :

Nul, en effet, ne songe à sa vie, à soi-même,

Et nul regret de nous ne vient nous affliger.

[Lucrèce, III, 919 et 922]

La mort est moins à craindre que rien – s’il peut y avoir quelque chose de moins que rien. Elle ne nous concerne ni mort, ni vivant : vivant, puisque vous existez, et mort puisque vous n’existez plus. Personne ne meurt avant son heure. Le temps que vous abandonnez n’était pas plus le vôtre que celui d’avant votre naissance : il ne vous concerne pas plus que lui.

Considère en effet qu’ils ne sont rien pour nous,

Ces moments abolis d’avant l’éternité.

[Lucrèce, III, 972-73]

Quel que soit le moment où votre vie s’achève, elle y est toute entière. La valeur de la vie ne réside pas dans la durée, mais dans ce qu’on en a fait. Tel a vécu longtemps qui a pourtant peu vécu. Accordez-lui toute votre attention pendant qu’elle est en vous. Que vous ayez assez vécu dépend de votre volonté, pas du nombre de vos années. Pensiez-vous ne jamais arriver là où vous alliez sans cesse ? Il n’est pas de chemin qui n’ait d’issue. Et si la compagnie peut vous aider, le monde ne va-t-il pas du même train que vous ?

Toutes choses vous suivront dans la mort

[Lucrèce, III, 968]

Tout ne va-t-il pas du même mouvement que le vôtre ? Y a-t-il quelque chose qui ne vieillisse pas en même temps que vous ? Mille hommes, mille animaux, et mille autres créatures meurent à l’instant même où vous mourrez.

Car et la nuit au jour et le jour à la nuit

N’ont jamais succédé qu’on n’entende mêlés

À des vagissements le bruit des morts qu’on pleure

Et de leurs funérailles

[Lucrèce, II, 578 sq.]

À quoi bon reculer devant la mort si vous ne pouvez vous y soustraire ? Vous en avez bien vus qui se sont bien trouvés de mourir, échappant ainsi à de grandes misères. Mais quelqu’un qui n’y ait trouvé son compte, en avez-vous vu ? C’est vraiment d’une grande sottise que de condamner une chose que vous n’avez pas éprouvée, ni par vous-même, ni par l’entremise d’un autre. Pourquoi te plaindre de moi, et de ta destinée ? Te faisons-nous du tort ? Est-ce à toi de nous gouverner ou à nous de le faire de toi ? Même si ton âge n’a pas atteint son terme, ta vie elle, est achevée. Un petit homme est un homme complet, comme l’est un grand. Il n’y a pas d’instrument pour mesurer les hommes ni leurs vies. Chiron refusa l’immortalité, quand il eut connaissance des conditions qui y étaient mises, par le Dieu même du temps, et de la durée, Saturne, son père. Imaginez combien une vie éternelle serait plus difficile à supporter pour l’homme, et plus pénible, que celle que je lui ai donnée. Si vous ne disposiez de la mort, vous me maudiriez sans cesse de vous en avoir privé. J’y ai à bon escient mêlé quelque peu d’amertume, pour vous dissuader, voyant la commodité de son usage, de l’adopter trop avidement et sans discernement. Pour vous maintenir dans cette modération que j’attends de vous : ne pas fuir la vie, ne pas reculer devant la mort, j’ai tempéré l’une et l’autre entre douceur et aigreur. J’ai enseigné à Thalès, le premier de vos sages, que vivre et mourir étaient équivalents. C’est pour cela que à celui qui lui demanda pourquoi donc il ne mourait pas, il répondit très sagement : « parce que cela n’a pas de sens ». L’eau, la terre, l’air, le feu, et les autres éléments qui forment mon édifice ne sont pas plus les instruments de ta vie que ceux de ta mort. Pourquoi craindre ton dernier jour ? Il ne donne pas plus de sens à ta mort que chacun des autres. Ce n’est pas le dernier pas fait qui cause la lassitude ; il la révèle seulement. Tous les jours mènent à la mort : le dernier y parvient. » Voilà les bons conseils de notre mère la Nature. J’ai pensé souvent à cela : comment se fait-il que dans les guerres, le visage de la mort, qu’il s’agisse de nous ou qu’il s’agisse d’autrui, nous semble sans comparaison moins effroyable que dans nos propres maisons ? C’est qu’autrement ce ne serait qu’une armée de médecins et de pleurnichards. Je me suis demandé aussi, la mort étant toujours elle-même, comment il se faisait qu’il y ait beaucoup plus de sérénité parmi les villageois et les gens de basse condition que chez les autres. Je crois, en vérité, que ce sont les mines que nous prenons et les cérémonies effroyables dont nous l’entourons, qui nous font plus de peur qu’elle-même. Une toute nouvelle façon de vivre, les cris des mères, des femmes et des enfants, la visite de personnes stupéfaites et émues, l’assistance de nombreux valets pâles et éplorés, une chambre obscure, des cierges allumés, notre chevet assiégé par des médecins et des prêcheurs : en somme, effroi et horreur tout autour de nous. Nous voilà déjà ensevelis et enterrés. Les enfants ont peur même de leurs amis quand ils les voient masqués. De même pour nous. Il faut ôter le masque, aussi bien des choses que des personnes ; quand il sera ôté, nous ne trouverons dessous que cette même mort par laquelle un valet ou une simple chambrière passèrent dernièrement sans peur.

Heureuse la mort qui ne laisse le temps d’un tel appareillage !

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