PLAISIR CAUSÉ PAR LES JEUX, CHUTES, CONTRASTES.

Comme dans le jeu de piquet nous avons le plaisir de démêler ce que nous ne connaissons pas par ce que nous connaissons, et que la beauté de ce jeu consiste à paraître nous montrer tout et cependant nous cacher beaucoup, ce qui excite notre curiosité ; ainsi, dans les pièces de théâtre, notre âme est piquée de curiosité, parce qu’on lui montre de certaines choses et qu’on lui en cache d’autres ; elle tombe dans la surprise, parce qu’elle croyait que les choses qu’on lui cache arriveraient d’une certaine façon, qu’elles arrivent d’une autre, et qu’elle a fait, pour ainsi dire, de fausses prédictions sur ce qu’elle a vu.

Comme le plaisir du jeu de l’hombre consiste dans une certaine suspension mêlée de curiosité des trois événements qui peuvent arriver, la partie pouvant être gagnée, remise, ou perdue codille 18  ; ainsi, dans nos pièces de théâtre, nous sommes tellement suspendus et incertains, que nous ne savons ce qui arrivera : et tel est l’effet de notre imagination, que lorsque nous avons vu la pièce mille fois, si elle est belle, notre suspension et, si je l’ose dire, notre ignorance restent encore ; car pour lors nous sommes si fort touchés de ce que nous entendons actuellement, que nous ne sentons plus que ce qu’on nous dit ; et ce qui paraît devoir suivre de ce qu’on nous dit, ce que nous connaissons d’ailleurs, et seulement par mémoire, ne nous fait plus aucune impression.

1 Après ce paragraphe on lit dans le texte de l’Encyclopédie :

« Les anciens n’avaient pas bien démêlé ceci : ils regardaient comme des qualités positives toutes les qualités relatives de notre âme ; ce qui fait que ces dialogues où Platon fait raisonner Socrate, ces dialogues si admirés des anciens, sont aujourd’hui insoutenables, parce qu’ils sont fondés sur une philosophie fausse ; car tous ces raisonnements tirés sur le bon, le beau, le parfait, le sage, le fou, le dur, le mou, le sec, l’humide, traités comme des choses positives, ne signifient plus rien. » (V. Inf. Pensées, p. 159.)

2 Encyclopédie  : Nous aurions senti autrement.

3 L’Encyclopédie ajoute : Elle reçoit des plaisirs par ces idées et par ces sentiments ; car, etc.

4 Des idoles indiennes ou chinoises.

5 Suétone, Vie de Néron, chap.

6 Les castrats.

7 Ce paragraphe ne se trouve pas dans l’Encyclopédie.

8 Encyclopédie : paraît trouvé et non pas recherché.

9 Florus, lib. I, c. X.

10 Florus, lib. I, c. XVI.

11 Encyclopédie : une chose à une chose : comme un héros à un lion, une femme à un astre et un homme léger à un cerf. Cela est aisé ; mais lorsque La Fontaine, etc.

12 Livre II, fable II.

13 Ici se termine l’article de Montesquieu dans l’Encyclopédie.

14 Ce chapitre a paru pour la première fois dans les Œuvres posthumes.

15 Première édition : à tous les instants.

16 Première édition : doit se soumettre.

17 Tout ce qui suit est tiré des Annales littéraires.

18 Faire ou gagner codille, gagner sans avoir fait jouer. Dict.de l’Académie.

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