Là où il y a du commerce, il y a des douanes. L’objet du commerce est l’exportation et l’importation des marchandises en faveur de l’État 1 ; et l’objet des douanes est un certain droit sur cette même exportation et importation, aussi en faveur de l’État. Il faut donc que l’État soit neutre entre sa douane et son commerce, et qu’il fasse en sorte que ces deux choses ne se croisent point ; et alors on y jouit de la liberté du commerce.
La finance détruit le commerce par ses injustices, par ses vexations, par l’excès de ce qu’elle impose : mais elle le détruit encore, indépendamment de cela, par les difficultés qu’elle fait naître, et les formalités qu’elle exige. En Angleterre, où les douanes sont en régie, il y a une facilité de négocier singulière : un mot d’écriture fait les plus grandes affaires ; il ne faut point que le marchand perde un temps infini et qu’il ait a des commis exprès, pour faire cesser toutes les difficultés des fermiers, ou pour s’y soumettre 2 .
1 Lisez : en faveur du particulier. Le commerce se fait et doit se faire pour le bien et l’avantage du particulier ; le bien qui en résulte pour l’État en doit être la conséquence. L’inverse de cette proposition, savoir que le commerce doit se faire en faveur de l’État, que l’avantage du particulier doit en être la conséquence, conduit à des maximes et à des règlements qui font perdre le commerce. La Hollande pourrait nous en fournir des exemples : cela n’empêche point qu’il ne soit vrai que tout commerce qui tourne au mal-être de l’État, doit être prohibé. (LLUZAC.)
a A. Ni qu’il n’y ait des commis exprès, etc.
2 Montesquieu oppose l’usage français qui donnait à ferme ou à bail les traites ou droits de douane, à l’usage anglais qui mettait l’impôt en régie. La ferme est une adjudication à forfait du revenu annuel de l’impôt. Le fermier, qui n’a que son intérêt particulier à faire valoir, pressure et vexe le contribuable pour obtenir la plus grosse somme d’impôt ; tandis que l’État, qui a la régie dans ses mains, songe à l’intérêt public, et ménage le contribuable, de crainte que des exigences trop grandes ne nuisent à l’industrie générale, et que le trésor ne perde d’un côté ce qu’il gagne de l’autre. C’est le régime anglais qui est en vigueur dans les pays civilisés. V. sup. Liv. XIII, c. XIX.