Les Romains avaient fait de l’Europe a , de l’Asie et de l’Afrique, un vaste empire : la faiblesse des peuples et la tyrannie du commandement unirent toutes les parties de ce corps immense. Pour lors, la politique romaine fut de se séparer de toutes les nations qui n’avaient pas été assujéties : la crainte de leur porter l’art de vaincre fit négliger l’art de s’enrichir. Ils firent des lois pour empêcher tout commerce avec les Barbares. « Que personne, disent 1 Valens et Gratien, n’envoie du vin, de l’huile ou d’autres liqueurs aux Barbares, même pour en goûter. Qu’on ne leur porte point de l’or 2 , ajoutent Gratien, Valentinien et Théodose, et que même ce qu’ils en ont, on le leur ôte avec finesse. » Le transport du fer fut défendu sous peine de la vie 3 .
Domitien, prince timide, fit arracher les vignes dans la Gaule 4 , de crainte sans doute que cette liqueur n’y attirât les Barbares, comme elle les avait autrefois attirés en Italie b . Probus et Julien, qui ne les redoutèrent jamais, en rétablirent la plantation.
Je sais bien que, dans la faiblesse de l’empire, les Barbares obligèrent les Romains d’établir des étapes 5 et de commercer avec eux. Mais cela même prouve que l’esprit des Romains était de ne pas commercer.
a A. B. Les Romains firent de l’Europe, etc.
1 Leg. ad Barbaricum, cod. quae res exportari non debeant. (M.)
2 Leg. 2, cod. de commerc. et mercator. (M.)
3 Leg. 2, quae res exportari non debeant.
4 Procope, Guerre des Perses, liv. I. (M.) Suétone, Domitien, c. VII, parle de toutes les provinces, et suppose une toute autre intention à l’Empereur. Ad summam quondam ubertatem vini, frumenti vero inopiam existimans nimio vinearum studio negligi arva, edixit ne quis in Italia novellaret, utque in provinciis vineta succiderentur, relicta ubi plurimum dimidia parte : nec exsequi rem perseveravit. La raison donnée par Suétone est la plus probable ; on ne peut admettre qu’au temps de Domitien on craignît à Rome une invasion de barbares. L’empire n’en était pas là.
b Comme elle les avait autrefois attirés en Italie, n’est pas dans A. B.
5 Voyez les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. (M.)