L’Inca Garcilasso 2 dit qu’en Espagne, après la conquête des Indes, les rentes, qui étaient au denier dix, tombèrent au denier vingt. Cela devait être ainsi. Une grande quantité d’argent fut tout à coup portée en Europe : bientôt moins de personnes eurent besoin d’argent ; le prix de toutes choses augmenta, et celui de l’argent diminua ; la proportion fut donc rompue, toutes les anciennes dettes furent éteintes. On peut se rappeler le temps du Système 3 , où toutes les choses avaient une grande valeur, excepté l’argent 4 . Après la conquête des Indes, ceux qui avaient de l’argent furent obligés de diminuer le prix ou le louage de leur marchandise, c’est-à-dire, l’intérêt.
Depuis ce temps le prêt n’a pu revenir à l’ancien taux, parce que la quantité de l’argent a augmenté toutes les années en Europe. D’ailleurs, les fonds publics de quelques États, fondés sur les richesses que le commerce leur a procurées, donnant un intérêt très-modique, il a fallu que les contrats des particuliers se réglassent là-dessus. Enfin, le change ayant donné aux hommes une facilité singulière de transporter l’argent d’un pays à un autre, l’argent n’a pu être rare dans un lieu, qu’il n’en vînt de tous côtés de ceux où il était commun.
1 On dirait aujourd’hui : l’intérêt.
2 Histoire des guerres civiles des Espagnols dans les Indes. (M.)
3 On appellait ainsi le projet de M. Law en France. (M.)
4 Ce n’était pas l’argent qui perdait, jamais il ne fut plus cher ; c’était le papier qui ne représentait rien. L’auteur l’a clairement expliqué, Inf. c. X, vers la fin.