CHAPITRE XIX. NOUVELLE RAISON DE L’OUBLI DES LOIS SALIQUES, DES LOIS ROMAINES ET DES CAPITULAIRES.

J’ai déjà dit les raisons qui avaient fait perdre aux lois saliques, aux lois romaines, et aux capitulaires, leur autorité ; j’ajouterai que la grande extension de la preuve par le combat en fut la principale cause.

Les lois saliques, qui n’admettaient point cet usage, devinrent en quelque façon inutiles, et tombèrent : les lois romaines, qui ne l’admettaient pas non plus, périrent de même. On ne songea plus qu’à former la loi du combat judiciaire, et à en faire une bonne jurisprudence a . Les dispositions des capitulaires ne devinrent pas moins inutiles. Ainsi tant de lois perdirent leur autorité b , sans qu’on puisse citer le moment où elles l’ont perdue ; elles furent oubliées, sans qu’on en trouve d’autres qui aient pris leur place.

Une nation pareille n’avait pas besoin de lois écrites, et ses lois écrites pouvaient bien aisément tomber dans l’oubli.

Y avait-il quelque discussion entre deux parties, on ordonnait le combat. Pour cela, il ne fallait pas beaucoup de suffisance.

Toutes les actions civiles et criminelles se réduisent en faits. C’est sur ces faits que l’on combattait ; et ce n’était pas seulement le fond de l’affaire qui se jugeait par le combat, mais encore les incidents et les interlocutoires, comme le dit Beaumanoir 1 , qui en donne des exemples.

Je trouve qu’au commencement de la troisième race, la jurisprudence était toute en procédés ; tout fut gouverné par le point d’honneur. Si l’on n’avait pas obéi au juge, il poursuivait son offense. A Bourges 2 , si le prévôt avait mandé quelqu’un, et qu’il ne fût pas venu : « Je t’ai envoyé chercher, disait-il ; tu as dédaigné de venir ; fais-moi raison de ce mépris ;» et l’on combattait. Louis le Gros réforma 3 cette coutume.

Le combat judiciaire était en usage à Orléans dans toutes les demandes de dettes 4 . Louis le Jeune déclara que cette coutume n’aurait lieu que lorsque la demande excéderait cinq sous. Cette ordonnance était une loi locale ; car, du temps de saint Louis 5 , il suffisait que la valeur fût de plus de douze deniers. Beaumanoir 6 avait oui dire à un seigneur de loi, qu’il y avait autrefois en France cette mauvaise coutume, qu’on pouvait louer pendant un certain temps un champion pour combattre dans ses affaires. Il fallait que l’usage du combat judiciaire eût, pour lors, une prodigieuse extension.

a A. B. Et à en faire une bonne jurisprudence sur les cas qui arrivaient à leur occasion.

b A. C’est ainsi que tant de lois, etc.

1 Ch. LXI, p. 309 et 310. (M.)

2 Chartre de Louis le Gros, de l’an 1145, dans le Recueil des Ordonnances. (M.)

3 Ibid. (M.)

4 Chartre de Louis le Jeune, de l’an 1168, dans le Recueil des Ordonnances. (M.)

5 Voyez Beaum., ch. LXVIII, p. 325. (M.)

6 Voyez la Coutume de Beauvoisis, ch. XXVIII, p. 203. (M.)

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