CHAPITRE XXIV. RÈGLES ÉTABLIES DANS LE COMBAT JUDICIAIRE.

Lorsqu’il 1 y avait plusieurs accusateurs, il fallait qu’ils s’accordassent pour que l’affaire fût poursuivie par un seul ; et s’ils ne pouvaient convenir, celui devant qui se faisait le plaid, nommait un d’entre eux qui poursuivait la querelle.

Quand 2 un gentilhomme appelait un vilain, il devait se présenter à pied, et avec l’écu et le bâton ; et, s’il venait à cheval, et avec les armes d’un gentilhomme, on lui ôtait son cheval et ses armes ; il restait en chemise, et était obligé de combattre en cet état contre le vilain.

Avant le combat, la justice 3 faisait publier trois bans. Par l’un, il était ordonné aux parents des parties de se retirer 4  ; par l’autre on avertissait le peuple de garder le silence 5  ; par le troisième, il était défendu de donner du secours à une des parties, sous de grosses peines, et même celle de mort, si, par ce secours, un des combattants avait été vaincu.

Les gens de justice gardaient 6 le parc ; et dans le cas où une des parties aurait parlé de paix, ils avaient grande attention à l’état où elles se trouvaient toutes les deux dans ce moment, pour qu’elles fussent remises 7 dans la même situation, si la paix ne se faisait pas.

Quand les gages étaient reçus pour crime ou pour faux jugement, la paix ne pouvait se faire sans le consentement du seigneur ; et, quand une des parties avait été vaincue, il ne pouvait plus y avoir de paix que de l’aveu du comte 8  ; ce qui avait du rapport à nos lettres de grâce.

Mais si le crime était capital, et que le seigneur, corrompu par des présents, consentît à la paix, il payait une amende de soixante livres, et le droit 9 qu’il avait de faire punir le malfaiteur, était dévolu au comte.

Il y avait bien des gens qui n’étaient en état d’offrir le combat, ni de le recevoir. On permettait, en connaissance de cause, de prendre un champion ; et pour qu’il eût le plus grand intérêt à défendre sa partie, il avait le poing coupé s’il était vaincu 10 .

Quand on a fait dans le siècle passé des lois capitales contre les duels, peut-être aurait-il suffi d’ôter à un guerrier sa qualité de guerrier par la perte de la main, n’y ayant rien ordinairement de plus triste pour les hommes que de survivre à la perte de leur caractère.

Lorsque, dans un crime capital 11 , le combat se faisait par champions, on mettait les parties dans un lieu d’où elles ne pouvaient voir la bataille : chacune d’elles était ceinte de la corde qui devait servir à son supplice, si son champion était vaincu.

Celui qui succombait dans le combat ne perdait pas toujours la chose contestée. Si, par exemple 12 , l’on combattait sur un interlocutoire, l’on ne perdait que l’interlocutoire.

1 Beaum., ch. VI, p. 40 et 41. (M.)

2 Ibid., ch. LXIV, p. 328. (M.)

3 Ibid., p. 330. (M.)

4 De vider le champ.

5 De se tenir coi.

6 Ibid. (M.)

7 Beaum., ch. LXIV, p. 330. (M.)

8 Les grands vassaux avaient des droits particuliers. (M.)

9 Beaumanoir, ch. LXIV, p. 330, dit : il perdrait sa justice. Ces paroles, dans les auteurs de ces temps-là, n’ont pas une signification générale, mais restreinte à l’affaire dont il s’agit. Défont., ch. XXI, art 29. (M.)

10 Cet usage, que l’on trouve dans les capitulaires, subsistait du temps de Beaumanoir. Voyez le ch. LXI, p. 315. (M.)

11 Beaum., ch. LXIV, p. 330. (M.)

12 Beaum., ch. LXIV, p. 309.(M.)

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