Quand les gages de bataille avaient été reçus sur une affaire civile de peu d’importance, le seigneur obligeait les parties à les retirer.
Si un fait était notoire 1 : par exemple, si un homme avait été assassiné en plein marché, on n’ordonnait ni la preuve par témoins ni la preuve par le combat ; le juge prononçait sur la publicité.
Quand, dans la cour du seigneur, on avait souvent jugé de la même manière, et qu’ainsi l’usage était connu 2 , le seigneur refusait le combat aux parties, afin que les coutumes ne fussent pas changées par les divers événements des combats.
On ne pouvait demander le combat que pour 3 soi, ou pour quelqu’un de son lignage, ou pour son seigneur lige.
Quand un accusé avait été absous 4 , un autre parent ne pouvait demander le combat ; autrement les affaires n’auraient point eu de fin.
Si celui dont les parents voulaient venger la mort venait à reparaître, il n’était plus question de combat : il en était de même 5 si, par une absence notoire, le fait se trouvait impossible.
Si un homme qui avait été tué 6 , avait, avant de mourir, disculpé celui qui était accusé, et qu’il eût nommé un autre, on ne procédait point au combat ; mais s’il n’avait nommé personne, on ne regardait sa déclaration que comme un pardon de sa mort : on continuait les poursuites ; et même, entre gentilshommes, on pouvait faire la guerre.
Quand il y avait une guerre, et qu’un des parents donnait ou recevait les gages de bataille, le droit de la guerre cessait ; on pensait que les parties voulaient suivre le cours ordinaire de la justice ; et celle qui aurait continué la guerre, aurait été condamnée à réparer les dommages.
Ainsi la pratique du combat judiciaire avait cet avantage, qu’elle pouvait changer une querelle générale en une querelle particulière, rendre la force aux tribunaux, et remettre dans l’état civil ceux qui n’étaient plus gouvernés que par le droit des gens.
Comme il y a une infinité de choses sages qui sont menées d’une manière très-folle, il y a aussi des folies qui sont conduites d’une manière très-sage.
Quand 7 un homme appelé pour un crime, montrait visiblement que c’était l’appelant même qui l’avait commis, il n’y avait plus de gages de bataille ; car il n’y a point de coupable qui n’eût préféré un combat douteux à une punition certaine.
Il n’y avait 8 point de combat dans les affaires qui se décidaient par des arbitres ou par les cours ecclésiastiques ; il n’y en avait pas non plus lorsqu’il s’agissait du douaire des femmes.
Femme, dit Beaumanoir, ne se peut combattre. Si une femme appelait quelqu’un sans nommer son champion, on ne recevait point les gages de bataille. Il fallait encore qu’une femme fût autorisée par son baron 9 , c’est-à-dire son mari, pour appeler ; mais sans cette autorité elle pouvait être appelée.
Si l’appelant 10 ou l’appelé avaient moins de quinze ans, il n’y avait point de combat. On pouvait pourtant l’ordonner dans les affaires de pupilles, lorsque le tuteur ou celui qui avait la baillie, voulait courir les risques de cette procédure.
Il me semble que voici les cas où il était permis au serf de combattre. Il combattait contre un autre serf ; il combattait contre une personne franche, et même contre un gentilhomme, s’il était appelé ; mais s’il l’appelait 11 , celui-ci pouvait refuser le combat ; et même le seigneur du serf était en droit de le retirer de la cour 12 . Le serf pouvait, par une chartre du seigneur 13 , ou par usage, combattre contre toutes personnes franches : et l’Église 14 prétendait ce même droit pour ses serfs, comme une marque de respect pour elle 15 .
1 Beaum., ch. LXI, p. 308. Ibid., ch. LXIII, p. 330. (M.)
2 Ibid., ch. LXI, p. 314. Voyez aussi Défontaines, ch. XXII, art. 24. (M.)
3 Beaum., ch. LXIII, p. 322. (M.)
4 Ibid. (M.)
5 Beaum., ch. LXIII, p. 332. (M.)
6 Ibid., p. 323. (M.)
7 Beaum., ch. LXIII, p. 324. (M.)
8 Beaum., ch. LXIII, p. 325. (M.)
9 Ibid., p. 325. (M.)
10 Ibid., p. 323. Voyez aussi ce que j’ai dit au liv. XVIII, ch. XXVI. (M.)
11 Beaum., ch. LXIII, p. 327. (M.)
12 Eût-il déjà l’écu et le bâton pour combattre.
13 Défont., ch. XXII, art. 7. (M.)
14 Habeant bellandi et testificandi licentiam. Chartre de Louis le Gros de l’an 1118. (M.)
15 Ibid. (M.)