On voit, dans la formule de la consécration de Pepin 1 , que Charles et Carloman furent aussi oints et bénis ; et que les seigneurs français s’obligèrent, sous peine d’interdiction et d’excommunication, de n’élire jamais personne d’une autre race 2 .
Il paraît, par les testaments de Charlemagne et de Louis le Débonnaire, que les Francs choisissaient entre les enfants des rois ; ce qui se rapporte très-bien à la clause ci-dessus. Et, lorsque l’empire passa dans une autre maison que celle de Charlemagne, la faculté d’élire a , qui était restreinte et conditionnelle, devint pure et simple ; et on s’éloigna de l’ancienne constitution.
Pepin, se sentant près de sa fin, convoqua les seigneurs ecclésiastiques et laïques à Saint-Denis 3 ; et partagea son royaume à ses deux fils Charles et Carloman. Nous n’avons point les actes de cette assemblée ; mais on trouve ce qui s’y passa, dans l’auteur de l’ancienne collection historique mise au jour par Canisius 4 , et celui des Annales de Metz, comme l’a remarqué 5 M. Baluze. Et j’y vois deux choses en quelque façon contraires : qu’il fit le partage du consentement des grands ; et ensuite, qu’il le fit par un droit paternel. Cela prouve ce que j’ai dit, que le droit du peuple, dans cette race, était d’élire dans la famille : c’était, à proprement parler, plutôt un droit d’exclure qu’un droit d’élire.
Cette espèce de droit d’élection se trouve confirmée par les monuments de la seconde race. Tel est ce capitulaire de la division de l’empire que Charlemagne fait entre ses trois enfants, où, après avoir formé leur partage, il dit 6 que, « si un des trois frères a un fils, tel que le peuple veuille l’élire pour qu’il succède au royaume de son père, ses oncles y consentiront ».
Cette même disposition se trouve dans le partage que Louis le Débonnaire fit entre ses trois enfants 7 , Pepin, Louis et Charles, l’an 837, dans l’assemblée d’Aix-la-Chapelle ; et encore dans un autre partage du même empereur 8 , fait vingt ans auparavant, entre Lothaire, Pepin et Louis. On peut voir encore le serment que Louis le Bègue fit à Compiègne, lorsqu’il y fut couronné. « Moi, Louis 9 , constitué roi par la miséricorde de Dieu, et l’élection du peuple, je promets... » Ce que je dis est confirmé par les actes du concile de Valence 10 , tenu l’an 890, pour l’élection de Louis, fils de Boson, au royaume d’Arles. On y élit Louis ; et on donne pour principales raisons de son élection, qu’il était de la famille impériale 11 , que Charles le Gras 12 lui avait donné la dignité de roi, et que l’empereur Arnoul l’avait investi par le sceptre et par le ministère de ses ambassadeurs. Le royaume d’Arles, comme les autres, démembrés ou dépendant de l’empire de Charlemagne, était électif et héréditaire.
1 Tome V des Historiens de France, par les PP. bénédictins, p. 9. (M.)
2 Ut nunquam de alterius lumbis regem in aevo praesumant eligere, sed ex ipsorum. Ibid. p. 10. (M.)
a A. L’élection, qui auparavant avait été conditionnelle, devint pure et simple, etc.
3 L’an 768. (M.)
4 Tome II, Lectionis antiquae. (M.)
5 Édit. des Capitulaires, tome I, p. 188. (M.)
6 Dans le capitul. I de l’an 806, édit. de Baluze, p. 439, art. 5. (M.)
7 Dans Goldast, Constitutions impériales, tome II, p. 19. (M.)
8 Édit de Baluze, p. 574, art. 14. Si vero aliquis illorum decedens, legitimos alios reliquerit, non inter eos potestas ipsa dividatur ; sed potius populus, pariter conveniens, unum ex eis, quem Dominus voluerit, eligat ; et hunc senior frater in loto fratris et filii suscipiat. (M.)
9 Capitulaire de l’an 877, édit. de Baluze, p 272. (M.)
10 Dans Dumont, Corps diplomatique, tome I, art. 36. (M.)
11 Par femmes. (M.)
12 Carolus Crassus.