J’ai dit que Charles le Chauve voulut que, quand le possesseur d’un grand office ou d’un fief laisserait en mourant un fils, l’office ou le fief lui fût donné. Il serait difficile de suivre le progrès des abus qui en résultèrent, et de l’extension qu’on donna à cette loi dans chaque pays. Je trouve dans les Livres des Fiefs 1 , qu’au commencement du règne de l’empereur Conrad II, les fiefs, dans les pays de sa domination, ne passaient point aux petits-fils ; ils passaient seulement à celui des enfants du dernier possesseur que le seigneur avait choisi 2 : ainsi les fiefs furent donnés par une espèce d’élection que le seigneur fit entre ses enfants.
J’ai expliqué, au chapitre XVII de ce livre, comment, dans la seconde race, la couronne se trouvait à certains égards élective, et à certains égards héréditaire. Elle était héréditaire, parce qu’on prenait toujours les rois dans cette race ; elle l’était encore, parce que les enfants succédaient ; elle était élective, parce que le peuple choisissait entre les enfants. Comme les choses vont toujours de proche en proche, et qu’une loi politique a toujours du rapport à une autre loi politique, on suivit pour la succession des fiefs le même esprit que l’on avait suivi pour la succession à la couronne 3 . Ainsi les fiefs passèrent aux enfants, et par droit de succession et par droit d’élection ; et chaque fief se trouva, comme la couronne, électif et héréditaire.
Ce droit d’élection dans la personne du seigneur, ne subsistait 4 pas du temps des auteurs des Livres des Fiefs 5 , c’est-à-dire sous le règne de l’empereur Frédéric I 6 .
1 Liv. I, tit. I. (M.)
2 Sic progressum est, ut ad filios deveniret in quem dominus hoc vellet beneficium confirmare. Ibid. (M.)
3 Au moins en Italie et en Allemagne. (M.)
4 Quod hodie ita stabilitum est, ut ad omnes aequaliter veniat. Liv I des Fiefs, tit. I. (M.)
5 Gerardus Niger et Aubertus de Orto. (M.)
6 Frédéric Barberousse, né en 1121, empereur de 1152 à 1190.