CHAPITRE VII. CONTINUATION DU MÊME SUJET. NÉCESSITÉ DE BIEN COMPOSER LES LOIS.

La loi de l’ostracisme fut établie à Athènes, à Argos, et à Syracuse 1 . A Syracuse elle fit mille maux, parce qu’elle fut faite sans prudence. Les principaux citoyens se bannissaient les uns les autres, en se mettant une feuille de figuier à la main 2  ; de sorte que ceux qui avaient quelque mérite quittèrent les affaires. A Athènes, où le législateur avait senti l’extension et les bornes qu’il devait donner à sa loi, l’ostracisme fut une chose admirable : on n’y soumettait jamais qu’une seule personne ; il fallait un si grand nombre de suffrages, qu’il était difficile qu’on exilât quelqu’un dont l’absence ne fût pas nécessaire 3 .

On ne pouvait bannir que tous les cinq ans : en effet, dès que l’ostracisme ne devait s’exercer que contre un grand personnage qui donnerait de la crainte à ses concitoyens, ce ne devait pas être une affaire de tous les jours 4 .

1 Aristote, Politique, liv. V, ch. III. (M.)

2 Plutarque, Vie de Denys, ch. I. (M.) Plutarque et Diodore, liv. XI, disent une feuille d’olivier, πέταλον ἐλαιας, d’où vient le nom de Pétalisme. C’était le nom de l’ostracisme en Sicile.

3 L’ostracisme était une injustice. On n’est point criminel pour avoir du crédit, des richesses, ou de grands talents. C’était de plus un moyen de priver la république de ses meilleurs citoyens, qui n’y rentraient ensuite qu’à la faveur d’une guerre étrangère ou d’une sédition. (CONDORCET.)

4 Sur cette justification de l’ostracisme, V. Sup. XXVI, XVII.

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