AUX MANES DU MARQUIS DE CHAUVELIN

Toi qui des ombres fortunées

Habites les bois toujours verts !

Je t’ai vu sourire à ces vers

Tracés dans mes jeunes années.

C’est en vain qu’en l’honneur du dieu

Qui m’apprit à trouver la rime,

Sur mon ouvrage, en plus d’un lieu,

Je viens de repasser la lime ;

Ses défauts resteront toujours.

Montesquieu peignit une belle

Simple, naïve, sans atours :

J’ornai sa beauté naturelle ;

J’en demande grâce aux Amours.

Quand je rimais par fantaisie

Cet écrit d’un heureux génie,

Tu sais qu’à charmer mon loisir

Je bornai ma lyre timide,

Et qu’un simple habitant de Gnide,

D’une gloire souvent perfide

N’a jamais connu le désir.

Ma muse n’est qu’une mortelle.

Et n’attend rien de l’avenir ;

Mais je revois avec plaisir

Sa poétique bagatelle,

Comme on voit un lieu qui rappelle

Un agréable souvenir.

O Gnide ! ô campagnes si chères !

Bois consacrés aux doux mystères !

Que j’aimais vos jeunes bergères

Dont l’innocence est le trésor,

Et ces jeux, ces danses légères,

Ces cœurs purs, ces amours sincères,

Ces mœurs dignes de l’âge d’or !

Tous ces biens sont imaginaires ;

Mais j’ai joui de leurs chimères,

Et j’en voudrais jouir encor.

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