NOTICE SUR LÉONARD

Nicolas-Germain Léonard, né à la Guadeloupe en 1744, mort à Nantes, le 26 janvier 1793, lo jour même où il allait s’embarquer pour retourner dans son île natale, s’est fait connaître par ses Idylles, inspirées de Gessner, et par deux romans qui eurent leur jour de célébrité : la Nouvelle Clémentine et les Lettres de deux Amants de Lyon. Il y a dans ses poésies quelque chose du naturel et de la grâce qu’on prête aux créoles ; on en jugera par ces Stances sur le bois de Romainville, qu’il écrivit en 1792, à son retour d’Amérique, où il avait été envoyé en 1787, avec le titre de lieutenant général de l’Amirauté et de vice-sénéchal de la Guadeloupe.

 

Enfin je suis loin des orages !

Les dieux ont pitié de mon sort !

O mer ! si jamais tu m’engages

A fuir les délices du port ;

 

Que les tempêtes conjurées,

Que les flots et les ouragans

Me livrent encore aux brigands

Désolateurs de nos contrées !

 

Quel fol espoir trompait mes vœux

Dans cette course vagabonde !

Le bonheur ne court pas le monde ;

II faut vivre où l’on est heureux.

 

Je reviens de mes longs voyages

Charge d’ennuis et de regrets ;

Fatigué de mes goûts volages,

Vide des biens que j’espérais.

Dieux des champs ! dieux de l’innocence !

Le temps me ramène à vos pieds ;

J’ai revu le ciel de la France,

Et tous mes maux sont oubliés.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

O campagnes toujours chéries !

Est-ce bien vous que je revois !

Déjà dans la paix de ces bois

Je retrouve mes rêveries.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

 

J’ai vu le monde et ses misères,

Je suis las de le parcourir ;

C’est dans ces ombres tutélaires,

C’est ici que je veux mourir.

 

Je graverai sur quelque hêtre :

Adieu, fortune ; adieu, projets !

Adieu, rocher qui m’as vu naître !

Je renonce à vous pour jamais.

 

Que je puisse cacher ma vie

Sous les feuilles d’un arbrisseau,

Comme le frêle vermisseau

Qu’enferme une tige fleurie !

 

Si l’enfant qui porte un bandeau

Voulait embellir mon asile,

O bocage de Romainville !

Couronne de fleurs ton berceau.

 

Et si, sans bruit et sans escorte,

L’amitié venait sur ses pas

Frapper doucement à ma porte,

Laisse-la voler dans mes bras !

 

Amours, plaisirs, troupe céleste,

Ne pourrai-je vous attirer,

Et le dernier bien qui me reste

Est-il la douceur de pleurer ?

 

ll n’existe qu’une édition complète des œuvres de Léonard. Elle forme trois volumes in-8°. Elle a été publiée à Paris en 1797 chez Didot, par le neveu du poëte, Vincent Campenon, qui devint plus tard membre de l’Académie française.

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