LETTRE III 1 .

A MONSIEUR LE MARQUIS DE LA VRILLIÈRE.

Monseigneur,

J’ose vous demander votre protection pour une grâce du Roi, qui est une véritable justice.

Il y a une petite île, le long de ma terre de Montesquieu sur la Garonne, de la contenance de deux ou trois arpents, qui s’est formée, il y a environ quinze ans, à la place d’une plus grande qui m’appartenait, et qui fut emportée par une inondation. Comme l’intervalle depuis la destruction de la première et la naissance de la seconde a été très peu considérable, j’en ai continué la possession comme d’une dépendance de ma terre de Montesquieu ; mais je crains que quelqu’un ne surprenne une donation du roi à mon préjudice, ce qui me ferait infiniment plus de chagrin que la chose ne vaut, d’autant plus que, comme les fonds adjacents m’appartiennent, les ouvrages qu’un autre propriétaire ferait dans cette petite île achèveraient de m’emporter tous mes fonds, parce que la rivière est absolument déterminée contre moi.

Vous vous souviendrez peut-être, Monseigneur, que lorsque j’eus l’honneur de vous voir, étant à Paris, sur une petite pension qui vacquait au Parlement de Bordeaux, et qui fut donnée à M. de la Tresne, je vous portai des amples témoignages des anciens services de ma famille ; je vous suis d’ailleurs tout dévoué, et, j’ose dire même, un peu parent, par la maison de Fontenac. Si vous m’honorez d’une réponse favorable, j’aurai l’honneur de vous faire présenter mon placet par mon avocat au conseil. Je suis, etc.

MONTESQUIEU.

A Bordeaux, ce 22 novembre 1723.

1 Communiquée par M. Céleste.

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