LETTRE LXI.

A L’ABBÉ DE GUASCO.

J’ai eu l’honneur de vous mander, mon cher Abbé, que votre lettre ne me disant rien que de très vrai, et ne me parlant que des difficultés que vous trouveriez dans cette affaire, et d’un nombre infmi de voyages commencés, projetés, ou à achever, j’ai pris le parti d’une occasion très favorable qui s’est offerte, et qui vous délivre d’une grande peine.

Je vous dirai que j’ai jugé à propos de retrancher, quant à présent, le chapitre sur le Stathoudérat. Dans les circonstances présentes, il aurait peut-être été mal reçu en France 1 , et je veux éviter toute occasion de chicane ; cela n’empêchera pas que je ne vous donne dans la suite ce chapitre, pour la traduction italienne que vous avez entreprise. Dès que mon livre sera imprimé, j’aurai soin que vous en ayez un des premiers exemplaires, et vous traduirez plus commodément sur l’imprimé que sur le manuscrit.

J’ai été comblé de bontés et d’honneurs à la cour de Lorraine, et j’ai passé des moments délicieux avec le roi Stanislas. Il y a grande apparence que je serai à Bordeaux avant la fin d’août ; en attendant mon retour, vous devriez bien aller trouver Madame de Montesquieu à Clérac. Je ne manquerai pas de vous envoyer les deux exemplaires de la nouvelle édition de mes romans, que je vous ai promis pour S. A. S. et pour M. le Nain. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur.

De Paris, le 17 juillet 1717.

1 Il fait voir dans ce chapitre la nécessité d’un stathouder, comme partie intégrale de la constitution de la république. L’Angleterre venait de faire nommer le prince d’Orange, ce qui ne plaisait point à la France, actuellement en guerre, parce qu’elle profitait de la faiblesse du gouvernement acéphale des Hollandais, pour pousser ses conquêtes en Flandre (GUASCO.)

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