LETTRE LXXX.

A MONSEIGNEUR CERATI.

J’ai trouvé, en passant à la campagne, MM. de Sainte-Palaye, qui m’ont parlé de monseigneur Cerati : je les ai perpétuellement interrogés sur monseigneur Cerati. Quelque chose me déplaisait, c’était de n’être point à Rome avec le grand homme dont ils me parlaient. Il m’ont dit que vous vous portiez bien ; j’en rends graces à l’air de Rome ; et je m’en félicite avec tous vos amis.

M. de Buffon vient de publier trois volumes 1 , qui seront suivis de douze autres : les trois premiers contiennent des idées générales ; les douze autres contiendront une description des curiosités du jardin du roi. M. de Buffon a, parmi les savants de ce pays-ci, un très-grand nombre d’ennemis ; et la voix prépondérante des savants emportera, à ce que je crois, la balance pour bien du temps ; pour moi, qui y trouve de belles choses, j’attendrai avec tranquillité et modestie la décision des savants étrangers. Je n’ai pourtant vu personne à qui je n’aie entendu dire qu’il y avait beaucoup d’utilité à le lire.

M. de Maupertuis, qui a cru toute sa vie, et qui peut-être a prouvé qu’il n’était point heureux, vient de publier un petit écrit sur le bonheur 2 . C’est l’ouvrage d’un homme d’esprit ; et on y trouve du raisonnement et des grâces. Quant à mon livre de l’Esprit de Loix, j’entends quelques frélons qui bourdonnent autour de moi ; mais si les abeilles y cueillent un peu de miel, cela me suffit ; ce que vous m’en dites me fait un plaisir infini : il est bien agréable d’être approuvé des personnes que l’on aime : agréez, je vous prie, monseigneur, mes sentiments les plus respectueux.

De Paris, le 11 novembre 1749.

1 Histoire naturelle générale et particulière avec la description du Cabinet du roi. Paris, 1749, 3 vol. in-4º.

2 Essai de Philosophie morale. Berlin, 1749, in-8º.

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