LETTRE XLII.

A L’ABBÉ DE GUASCO 

L’abbé Venuti m’a fait part, mon cher Abbé, de l’affliction que vous a causée la mort de votre ami le prince de Cantimir, et du projet que vous avez formé de faire un voyage dans nos provinces méridionales, pour rétablir votre santé. Vous trouverez partout des amis pour remplacer celui que vous avez perdu, mais la Russie ne remplacera pas si aisément un ambassadeur du mérite du prince de Cantimir  . Or, je me joins à l’abbé Venuti pour vous presser d’exécuter votre projet ; l’air, les raisins, le vin des bords de la Garonne, et l’humeur des Gascons sont des excellents antidotes contre la mélancolie. Je me fais une fête de vous mener à ma campagne de la Brède, où vous trouverez un château gothique à la vérité, mais orné de dehors charmants, dont j’ai pris l’idée en Angleterre. Comme vous avez du goût, je vous consulterai sur les choses que j’entends ajouter à ce qui est déjà fait ; mais je vous consulterai surtout sur mon grand ouvrage  , qui avance à pas de géants, depuis que je ne suis plus dissipé par les dîners et les soupers de Paris. Mon estomac s’en trouve aussi mieux ; et j’espère que la sobriété avec laquelle vous vivrez chez moi, sera le meilleur spécifique contre vos incommodités. Je vous attends donc cette automne, très-empressé de vous embrasser.

De Bordeaux, le 1er août 1744.

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