LETTRE XXIII.

A M. L’ABBÉ VENUTI 1 .

A CLÉRAC.

J’ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, avec beaucoup plus de joie que je n’aurais cru, parce que je ne savais pas que M. l’abbé de Clérac, que j’honorais déjà beaucoup, fût le frère de M. le chevalier Venuti 2 , avec qui j’ai eu l’honneur de contracter amitié à Florence, et qui m’a procuré l’honneur d’une place dans l’académie de Cortone. Je vous supplie, Monsieur, d’avoir pour moi les mêmes bontés qu’a eues monsieur votre frère. M. Campagne m’a écrit le beau présent que vous lui aviez remis pour moi, dont je vous suis infiniment obligé. M. Baritaut m’avait déjà fait lire une partie de cet ouvrage : et ce qui m’a touché dans vos dissertations, c’est qu’on y voit un savant qui a de l’esprit : ce qui ne se trouve pas toujours.

Vous êtes cause, Monsieur, que l’Académie de Bordeaux me presse l’épée dans les reins, pour obtenir un Arrêt du Conseil pour la création de vingt associés, au lieu de vingt élèves. L’envie qu’elle a de vous avoir, et la difficulté d’autre part que toutes les places d’associés sont remplies, fait qu’elle désire de voir de nouvelles places créées. Les affaires de M. le cardinal de Polignac, et d’autres, font que cet Arrêt n’est pas encore obtenu. J’écris à nos Messieurs, que cela ne doit pas empêcher, et que vous méritez, si la porte est fermée, que l’on fasse une brèche pour vous faire entrer. J’espère, Monsieur, que l’année prochaine, si je vais en province, j’aurai l’honneur de vous voir à Clérac, et de vous inviter à venir à Bordeaux. Je chérirai tout ce qui pourra faire et augmenter notre connaissance. Personne n’est au monde plus que moi, et avec plus de respect, etc.

P. S. Quand vous écrirez à M. le chevalier Venuti, ayez la bonté, Monsieur, de lui dire mille choses de ma part : ses belles qualités me sont encore présentes.

De Paris, ce 17 mars 1739.

1 Ce savant Italien, d’une maison de condition de Cortone, avait été envoyé en France par le chapitre de Saint-Jean-de-Latran, comme vicaire de l’abbaye de Clérac, que Henri IV conféra à ce chapitre après son absolution. Pendant nombre d’années qu’il séjourna en France, il travailla à plusieurs dissertations sur l’histoire de son pays, pour l’académie de Bordeaux à laquelle il fut agrégé, et à des poésies, entre autres au Triomphe de la France littéraire, et à la traduction du poëme de la Religion de M. Racine. Il mérita par là une gratification du roi en quittant la France pour passer à la prévôté de Livourne, que l’Empereur lui conféra comme grand-duc de Toscane. (GUASCO.)

2 Il fut le premier qui nous donna une relation de la découverte d’Herculanum, avec un détail des antiquités qu’on y avait trouvées de son temps. Il a eu aussi la plus grande part à l’établissement de l’académie étrusque de Cortone, qui nous a donné sept volumes in-4º d’excellents mémoires sur des sujets d’histoire et d’antiquités. (G.)

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