Issue de l’accusation intentée contre Nominatus.
Je goûtais la retraite de ma ville natale, quand la nouvelle m’est arrivée que Cornutus Tertullus avait reçu la mission de surveiller les travaux de la voie Émilienne . Je ne peux vous dire toute la joie que j’en éprouve et pour lui et pour moi ; pour lui, parce que, quelle que soit sa modestie, il doit être heureux cependant d’un honneur qu’il n’a pas cherché ; pour moi, parce que le mandat qui m’a été confié double de prix à mes yeux, depuis que je vois Cornutus chargé des mêmes fonctions. Car il n’est pas plus flatteur de s’élever en dignité que d’être égalé aux bons citoyens.
Or Cornutus n’est-il pas l’homme le meilleur, le plus digne ? N’offre-t-il pas le plus parfait exemple de toutes les vertus antiques ? Et ces qualités, je ne les connais pas seulement par la haute réputation, dont il jouit à si juste titre d’ailleurs, j’en parle sur la foi d’une longue expérience et de graves épreuves. Nous avons, nous avons toujours eu pour amis communs, tous ceux de l’un et l’autre sexe, que notre époque nous a donnés à imiter ; cette communauté dans nos affections nous a unis par la plus étroite intimité. Les charges publiques ont encore resserré ces liens ; car, vous savez que le sort, comme s’il eût entendu mes vœux, me l’a donné pour collègue et dans mes fonctions de préfet du trésor et dans mon consulat. C’est alors que j’ai connu à fond son cœur et ses talents ; je l’écoutais comme un maître, je le vénérais comme un père ; et il le méritait moins par son âge que par sa sagesse. Voilà pourquoi je suis heureux autant pour lui que pour moi, à titre privé comme à titre de citoyen, de ce qu’enfin la vertu conduit non plus aux périls comme autrefois, mais aux honneurs.
Ma lettre ne finirait pas, si je m’abandonnais à ma joie. Je veux plutôt vous dire dans quelles occupations m’a trouvé cette nouvelle. Je suis avec l’aïeul, avec la tante maternelle de ma femme, je suis avec des amis dont j’ai longtemps regretté l’absence ; je visite mes terres, j’entends beaucoup de plaintes de paysans, je lis des comptes bien malgré moi et en courant (car je suis habitué à d’autres écrits, à une autre littérature), je commence même à me préparer au départ. Je n’ai en effet qu’un congé de courte durée, et la nouvelle même de la charge accordée à Cornutus me rappelle la mienne. Je souhaite qu’en même temps votre Campanie vous donne congé à vous aussi, pour qu’après mon retour à Rome, il n’y ait aucun jour de perdu pour notre intimité. Adieu.