La statue élevée à Spurinna et à son fils Cottius.
Hier le sénat, sur la proposition de l’empereur, a décidé d’élever une statue triomphale à Vestricius Spurinna, non comme à tant d’autres, qui ne se sont jamais trouvés dans une bataille, qui n’ont jamais vu de camp, jamais entendu la trompette que dans les théâtres, mais comme à ceux qui ont acheté cet honneur au prix de leurs fatigues, de leur sang et de leurs exploits. En effet Spurinna, par la force des armes, a rétabli le roi des Bructères dans ses états ; il lui a suffi de paraître en armes (et c’est sans doute la plus glorieuse de toutes les victoires), pour dompter par la terreur une nation si belliqueuse. En même temps qu’on a ainsi récompensé son courage, on a consolé sa douleur, en accordant aussi à son fils Cottius, qu’il a perdu pendant son absence, l’honneur d’une statue. C’est une gloire rare pour un jeune homme ; mais le père l’avait bien méritée aussi, et il ne fallait rien moins qu’un si puissant remède pour une blessure si cruelle. D’ailleurs Cottius lui-même brillait déjà de tant de vertus, que sa vie courte et modeste méritait d’être prolongée par une sorte d’immortalité. La pureté de ses mœurs, son sérieux, son ascendant même lui permettaient de disputer de mérite avec les vieillards auxquels cette distinction l’a égalé. Une telle distinction, si je ne me trompe, vise non seulement à la gloire du défunt, à la consolation du père, mais encore à l’exemple. Les jeunes gens animés par l’espoir de si nobles récompenses, offertes même à leur jeunesse, pourvu qu’elle en soit digne, se distingueront à l’envi dans l’exercice des vertus ; les citoyens du plus haut rang brûleront d’élever des enfants pour avoir les joies qu’ils leur donneront s’ils vivent, ou pour recevoir de si glorieuses consolations, s’ils les perdent.
Voilà pourquoi je me réjouis au nom de l’état, mais aussi de l’amitié, qu’on ait érigé une statue à Cottius. Mon affection pour ce jeune homme accompli a été aussi vive que sont maintenant inconsolables mes regrets ; et je serai heureux de contempler de temps en temps cette statue de lui, de me retourner quelquefois pour la voir, de m’arrêter à ses pieds, de passer devant elle. Si les images des morts placées dans nos demeures allègent notre douleur, combien elles nous consolent davantage celles qui, dressées dans un lieu fréquenté, nous retracent non seulement la stature et les traits des disparus, mais leurs honneurs et leur gloire. Adieu.