L’école municipale.
Votre arrivée à Rome en bonne santé me remplit de joie ; et si votre venue a jamais été désirée par moi, c’est bien aujourd’hui. Moi, je ne resterai que fort peu de jours encore dans cette villa de Tusculum pour y achever un opuscule, qui est sur le chantier. Je crains en effet, si je relâche, tout près de la fin, mon élan, si je l’interromps, d’avoir de la peine à le reprendre. En attendant, afin que mon impatience n’y perde rien, je vous adresse par ce message précurseur, si j’ose dire, la demande que je compte vous faire de vive voix. Mais auparavant voici les motifs de ma prière.
Dernièrement pendant un séjour dans mon pays natal, je reçus la visite du fils d’un de mes compatriotes, enfant encore vêtu de la robe prétexte . « Vous faites vos études ? » lui dis-je. – « Oui » – « Où ? » – « À Milan. » – « Pourquoi pas ici ? » Alors le père (car il était présent et avait lui-même amené son fils) : « Parce que nous n’avons pas de maîtres ici. » – « Pourquoi cela ? Car il était du plus haut intérêt pour vous, qui êtes pères de famille (et fort à propos plusieurs pères m’écoutaient), que vos enfants fissent leurs études ici de préférence. Où trouveraient-ils un séjour plus agréable que dans leur patrie, une éducation plus irréprochable que sous les yeux de leurs parents, avec moins de frais qu’à la maison ? Qu’en coûterait-il donc de réunir les fonds pour engager des maîtres ? Et ce que vous dépensez maintenant pour le logement de vos enfants, pour les voyages, pour tous vos achats hors de chez vous (car hors de chez soi tout s’achète) s’ajouterait aux traitements. Eh bien ! moi, qui n’ai pas encore d’enfants je suis prêt à donner pour votre cité, comme pour une fille ou pour une mère, le tiers de la somme que vous voudrez bien rassembler. Je vous promettrais même le tout, si je ne craignais que cette libéralité ne fût quelque jour gâtée par le favoritisme, comme je le vois arriver en bien des lieux, où les maîtres sont engagés par la municipalité. Il n’y a qu’un remède à ce mal, c’est de réserver aux parents seuls le choix des maîtres, et de leur inspirer en outre le scrupule d’un choix judicieux en les obligeant à apporter leur contribution. Car tels qui prendraient peut-être peu de soin du bien d’autrui, seront certainement attentifs au leur et veilleront à ce que mon argent soit distribué selon la justice, s’ils doivent y joindre leurs propres deniers. Mettez-vous donc d’accord, unissez-vous, réglez votre courage sur le mien ; car je souhaite de tout cœur que ma contribution soit le plus considérable possible. Vous ne pouvez rien faire de plus convenable pour vos enfants, de plus agréable pour votre patrie. Élevons ici ceux qui naissent ici et accoutumons-les dès leur plus tendre enfance à aimer, à habiter leur pays natal. Et puissiez-vous y amener des maîtres assez illustres, pour que les cités voisines viennent y briguer leurs leçons, et, comme aujourd’hui vos enfants vont étudier chez les étrangers, puissent bientôt les étrangers accourir en foule chez nous ! »
J’ai jugé bon de remonter très haut et comme à la source, pour que vous sentiez mieux combien je vous serais reconnaissant si vous accueilliez ma requête. Or je vous demande et, en raison de l’importance de cette affaire, je vous prie instamment de rechercher, dans la foule des lettrés, qu’attire autour de vous l’admiration de votre talent, des maîtres, auxquels je puisse m’adresser, à cette condition cependant, de ne donner ma parole à personne. Je veux en effet conserver toute liberté aux parents ; à eux de juger, de choisir ; je ne me réserve que la peine et la dépense. Si donc il se trouve quelqu’un qui se fie à ses talents, qu’il aille se présenter là-bas, sachant bien qu’il n’emporte d’ici rien de plus que sa confiance en lui. Adieu.