I. – C. PLINE SALUE SON CHER GEMINUS.

Le malade impatient.

L’opiniâtreté de votre maladie m’effraye, et quoique je vous connaisse très maître de vous, je crains qu’elle ne se permette quelque assaut même contre votre caractère. Je vous exhorte donc à résister avec fermeté ; vous y gagnerez honneur, et santé. Ce que je vous conseille n’est pas au-dessus des forces humaines. Voici ce que je répète, en bonne santé, à mes gens : « J’espère que, si je viens à être malade, je ne demanderai rien, dont je puisse rougir ou me repentir ; si cependant la force du mal l’emportait, je vous défends de me rien donner sans la permission des médecins et sachez-le bien, si vous cédiez à mes désirs, je vous en punirais comme d’autres se vengent d’un refus. » Écoutez encore ceci : un jour j’étais brûlé d’une ardente fièvre ; enfin elle tomba et, après avoir été frictionné, je me disposais à prendre de la main du médecin une boisson, lorsque je lui tendis le bras en le priant de tâter mon pouls et je lui rendis la coupe déjà près de mes lèvres. Quelque temps après, le vingtième jour de la maladie, on me préparait pour le bain ; ayant vu les médecins chuchoter, je leur en demandai la cause ; ils répondirent qu’ils croyaient le bain sans danger, mais qu’ils ne pouvaient cependant pas se défendre de quelque inquiétude. « Eh quoi ! dis-je, est-ce absolument nécessaire ? » Et, renonçant avec tranquillité et avec douceur à l’espoir du bain, où je croyais déjà me voir porter, j’en acceptai la privation du même cœur et du même air que j’en avais reçu la promesse. Le but de tout cela ? C’est d’abord de ne pas vous donner de conseils sans les appuyer par l’exemple ; c’est aussi pour m’astreindre moi-même dans l’avenir à cette même force de caractère, en m’y obligeant par cette lettre, comme par une caution. Adieu.

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