ÉPILOGUE

Le voyageur qui part de Lamotte-Beuvron, où se trouve la ferme impériale, pour se rendre à Salbris, s’il dédaigne le chemin de fer et prend tranquillement par les bois, aperçoit aujourd’hui une large échancrure dans la forêt, et au milieu de cette échancrure, de vastes bâtiments tout neufs.

C’est une ferme modèle de la plus grande dimension où vivent et travaillent de nombreuses familles depuis quatre années environ. Les étangs fiévreux ont été desséchés aux environs, les bois de mauvaise venue défrichés et convertis en terres arables.

Les hameaux voisins n’ont plus de pauvres, et chacun a du travail.

Et si, frappé de l’air heureux et de la physionomie prospère de ce pays, le voyageur demande à qui cette métamorphose est due, le premier pâtre assis au bord d’un fossé, le premier bûcheron, le premier laboureur à qui il s’adressera lui répondra :

– Nous avions bien de la misère, jadis, en cette Sologne fiévreuse et malsaine, et il y avait un homme riche qui se faisait une joie de nous pressurer. Aujourd’hui, il y a un homme aussi riche que l’autre, aussi bon que l’autre était méchant, et cet homme est devenu notre bienfaiteur à tous.

Et si le voyageur demande le nom de cet homme, on lui répondra par un sobriquet : le Chambrion !

Oui, le Chambrion est devenu riche, et a voué sa vie à réparer le mal fait par le père Clappier, dont il possède maintenant toute la fortune.

Le parricide involontaire, Hector, après avoir été fou, est revenu peu à peu à la raison.

Mais l’ombre sanglante de son père le poursuit sans cesse, et il est entré dans un couvent qui s’élève au milieu des bois du Morvan, en basse Bourgogne.

Hector est aujourd’hui un frère de la Pierre qui vire – c’est le nom de cette communauté.

Ainsi se trouve réalisé ce rêve bizarre et terrible qu’il fit au bord de la mare aux Chevrettes, quelques minutes avant de faire feu sur son père.

En entrant en religion, frère Hector a légué toute sa fortune au Chambrion.

Quant à la mère Clappier, elle est morte d’une apoplexie foudroyante, le jour de l’enterrement de son mari.

 

Parfois, le dimanche, au printemps, à la sortie de la messe, les paysans, groupés sous un orne planté devant l’église, se lèvent respectueusement et saluent un couple charmant qui passe le sourire aux lèvres et le bonheur dans les yeux.

C’est Horace et Denise qui n’ont point quitté le pays et conduisent par la main un enfant rose et blond qui, apercevant le Chambrion au milieu de ses protégés, court à lui et lui tend les bras.

Le Chambrion presse l’enfant sur son cœur, et essuie parfois une larme en contemplant la jeune mère.

La vieille Malbèque est morte ; mais le Chambrion, qui ne veut point se marier, a adopté le Brocard : il l’a envoyé à Grignon compléter ses études agricoles, et il lui laissera la moitié de son bien.

L’autre est pour l’enfant d’Horace et de Denise.

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