XI

CHLOÉ. – Veux-tu me faire un plaisir pour ma fête ? Rends-moi le droit que je t’ai donné d’assister à mes toilettes.

DAPHNIS. – Tu te négligerais.

CHLOÉ. – C’est si gênant ! pouah !

DAPHNIS. – Qu’est-ce que tu as de sale ?

CHLOÉ. – Il y a des choses qu’un mari ne doit pas voir.

DAPHNIS. – Ce sont celles-là que je veux voir. Dès qu’on aime moins, on se tient mal. L’amour vit de beaucoup d’eau fraîche. Je te sens mienne si, à quelque heure que je te surprenne, tu me montres des ongles plus lumineux que des croissants de lune, des cheveux rangés, en place, une bouche neuve comme l’intérieur des abricots. Lis la Bible : on s’y lave les pieds à tout bout de chemin. Je parle gravement. N’oublie pas notre convention.

CHLOÉ. – Non : « nous nous préviendrons mutuellement (car on ne se connaît pas soi-même) qu’une visite au dentiste paraît nécessaire. »

DAPHNIS. – C’est d’une importance immesurable. Une dent gâtée gâte tout.

CHLOÉ. – Compte sur moi. Comme nous nous aimons ! Qui dénombrera les êtres anéantis dans nos nuits d’amour ? Ma conscience a la chair de poule. S’il y avait crime !

DAPHNIS. – Put ! cinq minutes avant la vie on est encore mort ; aussi, ne te presse pas. N’anéantis pas trop vite. Ça jette un froid.

CHLOÉ. – Un mot, pendant que j’y pense, relatif à notre convention. Tu ne te fâcheras pas, mon Daphnis : il m’a semblé, ce matin, que ton haleine…

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