Après un court silence M. Lagarde reprit :
– Je vous en prie, madame, restez calme et surtout ne vous effrayez point. Ai-je donc besoin de vous répéter que je suis votre ami ? Assurément, ce que je viens vous demander, exiger de vous, vous paraît étrange, inouï ; c’est audacieux, j’en conviens ; mais je n’ai pas le choix des moyens. Du reste, après le mal qu’on a fait à Jean Loup, on lui doit bien quelque chose en réparation.
– Monsieur, répliqua vivement la baronne, vos paroles semblent m’accuser.
– Non, madame, non. Eh ! mon Dieu, de quoi pourriez-vous être coupable ?… La présence de Mlle Henriette près de Jean Loup est absolument nécessaire ; vous devez le comprendre facilement, sachant que Jean Loup l’aime. Privé du concours de Mlle Henriette, des années s’écouleraient avant que j’arrive au but, et encore y arriverais-je ?… Grâce à elle, toutes les difficultés seront aplanies et nous obtiendrons des résultats rapides ; ce qui aurait demandé une année de peine sera obtenu en un mois, en quelques jours seulement, peut-être.
» Mlle de Simaise dominera Jean Loup, lui imposera sa volonté et il lui obéira comme un enfant docile obéit à sa mère. C’est tout ce qui résiste en lui qu’il faut dompter, c’est sa nature, enfin, qu’il faut changer avant de commencer son éducation, avant d’entreprendre de l’instruire. Oh ! la tâche sera rude, je le reconnais ; mais l’amour a déjà accompli bien des miracles ; je veux lui demander un nouveau prodige !
Mme de Simaise était complètement ahurie.
– Votre proposition est insensée, monsieur ! s’écria-t-elle, jamais ma fille et moi…
– Je vous interromps encore, riposta M. Lagarde, pour la même raison que je vous ai donnée tout à l’heure… Remarquez que je ne vous ai pas adressé cette question : Acceptez-vous ? Cette question, mais je ne vous la ferai point, madame la baronne, car tout à l’heure, de votre propre mouvement vous me direz : « Ma fille et moi nous sommes à votre disposition, je suis prête à faire tout ce que vous voudrez. »
– En vérité, monsieur, je ne sais que penser ! balbutia Mme de Simaise.
– Je vous en prie, madame, soyez patiente et écoutez-moi : La maison que j’ai louée à Épinal, ayant derrière un assez vaste jardin, est très confortable ; vous y serez bien et vous vous y plairez, je vous assure. Les appartements qui vous sont destinés ont été décorés et meublés à votre intention et comme il convient. Ils sont d’ailleurs complètement indépendants du logement de Jean Loup ; Jean Loup occupe une aile du bâtiment, qui n’a aucune communication avec le corps principal de l’habitation.
» Vous aurez, cela va sans dire, des domestiques pour vous servir : une cuisinière, un valet de chambre, une femme de chambre – celle que vous avez ici, s’il vous est agréable de l’emmener avec vous – et enfin un cocher, car il y a deux chevaux dans l’écurie et deux voitures sous la remise.
» Vous pourrez, si cela vous convient, garder l’incognito pendant le temps que votre séjour dans la ville sera reconnu nécessaire. Cela vous sera d’autant plus facile que deux ou trois personnes seulement à Épinal seront dans le secret. Ainsi, en prenant un nom bourgeois, n’importe lequel, celui que vous choisirez, vous et Mlle Henriette serez parfaitement à l’abri de certaines curiosités malveillantes.
» Vous serez la maîtresse absolue dans la maison ; le personnel n’obéira qu’à vos ordres et à ceux de Mlle Henriette. Vous aurez la haute main, aussi bien sur le précepteur de Jean Loup et les autres professeurs appelés à lui donner des leçons, que sur les domestiques. Nous examinerons dans quelques jours, quand vous serez installées à Épinal, quels devront être vos rapports et ceux de Mlle de Simaise avec Jean Loup. Forcément, ils seront fréquents, puisque les heureux résultats que nous obtiendrons sûrement seront dus à l’influence de Mlle Henriette.
– Réellement, pensait Mme de Simaise, on croirait entendre parler un aliéné.
– Vous voyez, monsieur, dit-elle, que je vous écoute patiemment et aussi avec beaucoup de complaisance.
– C’est vrai, madame la baronne, et je vous en remercie.
– Assurément, monsieur, votre plan est très bien imaginé, seulement…
– Je sais ce que vous allez dire, madame, interrompit vivement M. Lagarde ; je vous coupe encore une fois la parole, parce que je ne dois pas vous laisser formuler une seule objection.
– Pourtant, monsieur, j’ai bien le droit…
– Vous avez tous les droits, madame la baronne, excepté celui de refuser ce que je vous demande.
– Oh !
– Vous trouvez mon plan bien imaginé ; j’en suis heureux ; il me reste, maintenant, à vous le faire approuver complètement.
Mme de Simaise eut un imperceptible sourire.
– Madame la baronne, continua M. Lagarde, quand vous vous êtes séparée de votre mari, la surprise de vos amis a été très grande, car rien ne leur avait fait prévoir votre brusque résolution. Outragée ouvertement par M. de Simaise, qui ne craignait pas de faire parade de sa conduite honteuse, vous étiez très malheureuse ; mais la situation était la même depuis au moins trois ans, et, dans l’intérêt de vos enfants, vous vous étiez résignée. Il y a donc lieu de supposer que ce n’est pas seulement la conduite scandaleuse de M. de Simaise qui a motivé votre retraite. Quant à moi, madame, je suis convaincu que vous avez fait quelque découverte terrible, dont la conséquence a été la séparation immédiate.
Mme de Simaise devint de nouveau très pâle et regarda l’étranger avec terreur.
– Eh bien, madame la baronne, voulez-vous me dire quelle chose horrible vous avez découverte ?
– Monsieur… monsieur… balbutia-t-elle.
– Oh ! je sais quel combat doit se livrer en vous en ce moment et quelle répugnance vous devez avoir à me répondre ; mais il est important, il est de toute nécessité que je sois instruit des choses que vous savez.
» Mais, tenez, je veux bien vous aider, et pour vous mettre un peu plus à votre aise, je commence par vous dire que je connais tous les crimes du baron de Simaise.
La jeune femme se dressa éperdue, folle de terreur.
– Mais encore une fois, monsieur, qui êtes-vous donc ? s’écria-t-elle.
– Je vous l’ai dit, madame, je suis votre ami, parce que vous êtes malheureuse, je suis le vengeur des victimes ! Ah ! croyez-le, madame, croyez-le bien, si vous et votre fille n’aviez pas trouvé grâce devant moi, il y a plus d’un an que l’infâme baron de Simaise serait au bagne !
La pauvre femme poussa un gémissement et retomba lourdement sur son siège.
– Allez, madame, vous pouvez parler, reprit M. Lagarde, je suis sûr que vous ne savez pas tout ; mais ce que vous ignorez encore, je vous l’apprendrai, moi. Avez-vous entendu parler d’un crime, qui a été commis à Blaincourt dans des circonstances très mystérieuses, à l’époque même où vous êtes venue vous réfugier à Vaucourt ?
– Oui, monsieur, oui, répondit la baronne.
Et cachant sa figure dans ses mains, elle se mit à sangloter. Après un silence, M. Lagarde reprit :
– Les auteurs de ce crime sont restés inconnus, de même que la victime ; n’avez-vous pas soupçonné qui pouvait avoir armé les mains des scélérats qui ont échappé aux recherches de la justice ?
– C’est horrible, horrible ! gémit la baronne.
– La victime se nommait Charles Chevry.
– Oui, monsieur, Charles Chevry ; ah ! je n’ai pas oublié son nom. Le malheureux !… Sans le vouloir, c’est moi, hélas ! qui l’ai livré à ses assassins !
– Ah ! Et comment cela ?
– Il faut donc que je parle, monsieur ?
– Il le faut absolument.
– Un jour, un homme bien mis et jeune encore se présenta à l’hôtel de Simaise, demandant à parler à mon mari. Sur la réponse qui lui fut faite que M. de Simaise était absent, il témoigna le désir de me voir. Je le reçus. Il m’apprit qu’il se nommait Charles Chevry, qu’il arrivait des Indes avec sa femme et qu’il était à Paris depuis quelques jours seulement.
» – Ma femme et moi, me dit-il, nous devons notre bonheur, notre position, tout ce que nous possédons à M. le marquis et à Mme la marquise de Chamarande.
» Je crus d’abord qu’il s’agissait de la mère de mon mari, laquelle avait épousé en premières noces le marquis de Chamarande. Mais le visiteur ne me laissa pas longtemps dans mon erreur. Je fus donc étrangement étonnée en apprenant que le marquis de Chamarande, frère aîné de mon mari, mort en mer quelques années auparavant, s’était marié à Batavia.
» Comme M. de Simaise, en me parlant de son frère, ne m’avait jamais dit qu’il se fût marié, je témoignai un doute à cet égard. Aussitôt M. Charles Chevry plaça sous mes yeux un contrat et un acte de mariage. Je restai confondue.
» Alors M. Charles Chevry m’apprit que l’année même de sa mort, après avoir réalisé une partie de sa fortune, soit près de quatre millions, le marquis de Chamarande avait conduit sa jeune femme en France, où il avait résolu de se fixer définitivement.
» – Depuis la mort de M. le marquis, continua Charles Chevry, nous avons écrit, ma femme et moi, plusieurs lettres à madame la marquise. Elles sont toutes restées sans réponse. Nous avons écrit aussi à M. le baron de Simaise : il n’a pas répondu. Nous avons passé plusieurs années très inquiets au sujet de Mme la marquise et de son enfant, car dans la dernière lettre qu’elle nous a écrite, pendant que M. le marquis faisait la traversée dans laquelle il a péri, elle nous annonçait que, bientôt, elle serait mère. Enfin, nous trouvant assez riches avec quatre cent mille francs, nous avons cédé notre maison de commerce et nous nous sommes embarqués sur un bâtiment de la compagnie des Indes pour venir en France, afin de savoir ce qu’est devenue Mme la marquise de Chamarande.
» Avant de me présenter chez M. le baron de Simaise, j’ai cru devoir faire prendre quelques renseignements. Ces renseignements ne m’ont pas appris grand chose. On n’a jamais entendu parler de la marquise de Chamarande, amenée en France par son mari et confiée par lui à son frère. Mais il paraît que la situation de fortune de M. le baron a subitement changé, et cela immédiatement après la mort de M. le marquis.
» Que conclure de cela ? Je ne vous cache pas, madame, que je soupçonne le baron de Simaise d’avoir fait disparaître sa belle-sœur afin de s’emparer de sa fortune. Dans tous les cas, il y a là un mystère, une chose ténébreuse que je veux éclaircir. Peut-être aurais-je déjà dû m’adresser aux tribunaux ; je serai probablement forcé de le faire. Mais en souvenir de M. le marquis de Chamarande, mon bienfaiteur, je crois devoir, avant de saisir la justice, demander des explications à M. le baron de Simaise.
» Autant que je puis me rappeler, monsieur, c’est ainsi que me parla le malheureux Charles Chevry. Je l’avais écouté avec une émotion, un saisissement faciles à comprendre. Pendant assez longtemps, je fus incapable, de lui répondre : la voix me manquait, j’étouffais… J’étais terrifiée, écrasée ! Hélas ! je ne pouvais me faire aucune illusion ; il m’était prouvé d’une façon éclatante que le baron de Simaise était un misérable !
» Je remerciai Charles Chevry de la confiance qu’il m’avait témoignée, et, après lui avoir vivement recommandé d’éviter un scandale public en s’adressant à la justice, je l’engageai à continuer secrètement ses recherches et je lui promis que, de mon côté, je mettrais tout en œuvre pour l’aider à savoir ce qu’était devenue la marquise de Chamarande.
» Il se retira en me laissant son adresse et en me donnant l’assurance qu’il ne ferait aucune démarche pouvant nuire au baron de Simaise, sans m’avoir d’abord consultée. Hélas ! je ne devais plus le revoir !
» Quand mon mari rentra, je l’interpellai avec violence, lui montrant toute mon indignation ; je lui dis de quel crime monstrueux Charles Chevry l’accusait et je le sommai de me dire ce qu’il avait fait de sa belle-sœur.
» Sous mon regard je le vis pâlir, perdre contenance, chanceler ; il était haletant, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son front.
» Si, alors, j’eusse encore conservé un doute, son attitude seule m’aurait confirmée qu’il était coupable.
» Mais il se remit promptement et il me répondit d’un ton léger, presque ironique, et avec une audace qui me révolta et remplit mon cœur de dégoût.
» – En effet, me dit-il, mon frère a amené en France une créole qu’il avait ramassée je ne sais où ; mais cette créature était sa maîtresse et non sa femme.
Un sombre éclair sillonna le regard de M. Lagarde.
– L’infâme ! murmura-t-il.
» – Cette créole, monsieur, répliquai-je avec emportement, dont vous parlez avec tant de dédain, et que vous semblez vouloir assimiler à une fille perdue, était marquise de Chamarande ; j’ai tenu dans mes mains l’extrait de son acte de mariage !
» Il resta un instant interloqué, puis il répondit !
» – Vous m’apprenez, madame, qu’une noire machination est dirigée contre moi par des misérables ; je vois ce que me veulent ces gens-là, c’est une affaire de chantage ; mais ils se trompent s’ils me prennent pour un imbécile capable de tomber dans leurs filets. Ce fameux acte de mariage qu’on vous a fait voie est faux : c’est une pièce fabriquée par des coquins, qui espèrent me soutirer quelques billets de mille francs, en me menaçant d’un scandale. Certes, ce n’est pas la première fois que des fripons se servent de ce moyen pour remplir leurs poches.
» Je compris que tout ce que je pourrais dire encore serait inutile.
» – Enfin, m’écriai-je, votre frère a amené en France une femme ! Marquise de Chamarande ou non, qu’est-elle devenue ? Je veux le savoir !
» – Est-ce que je le sais, me répondit-il en haussant les épaules. Votre question est étrange ; croyez-vous que je me suis donné la peine de me renseigner sur les faits et gestes de cette femme ? Immédiatement après la mort de mon frère, elle a quitté l’endroit où elle demeurait, et, depuis, je n’en ai plus entendu parler.
» Sur ces mots, il me quitta, ayant la certitude qu’il n’avait pas réussi à me convaincre.
» Je ne vous dirai pas dans quel état je me trouvais ; j’étais comme folle. Je voyais le nom de Simaise et celui de Vaucourt traînés dans la boue, mon mari jugé, condamné, flétri… C’était, pour mes enfants, le déshonneur, leur tranquillité, leur avenir à jamais perdus !
» J’avais fait une promesse à Charles Chevry ; mais comment l’aider dans ses recherches ? Quel moyen employer pour savoir ce qu’était devenue la malheureuse marquise de Chamarande ? Je le cherchais vainement. Tout à coup il se fit une clarté dans mon cerveau.
» Je me souvins d’un homme qui était venu voir mon mari plusieurs fois. Cet homme, dont je n’ai jamais su le nom, petit et fort laid, au regard sournois, au teint bilieux, avait la ruse et l’hypocrisie peintes sur le visage. Le baron et lui s’enfermaient mystérieusement et causaient longuement.
» Un jour qu’ils étaient ensemble, j’entrai par hasard dans une petite pièce contiguë au cabinet de M. de Simaise, où je ne mettais jamais les pieds. Quelques paroles arrivèrent à mon oreille. Poussée par une curiosité invincible, je m’approchai de la porte et j’écoutai. Malheureusement cette porte, bien fermée, était encore masquée à l’intérieur par une épaisse tapisserie, qui arrêtait le son de la voix. Je ne pus entendre que quelques mots de la conversation.
» Ce sont ces mots, auxquels je n’avais attaché alors aucune importance, qui venaient de me frapper d’une clarté subite, en surgissant de ma mémoire. Voici ces mots : « L’enfant vivra, toujours folle, folie incurable, vieux château, pays perdu dans les Vosges, Blaincourt. »
» C’était peu, et cela me disait tout. La marquise de Chamarande était mère ; mais elle avait perdu la raison ; elle et son enfant étaient enfermés, séquestrés dans le vieux château de Blaincourt.
» C’était un précieux renseignement à donner à Charles Chevry.
» Je m’empressai de lui écrire et je remis ma lettre à un domestique, sur la fidélité duquel je croyais pouvoir compter, avec ordre de la porter immédiatement à son adresse.
» Hélas ! j’ignorais que, déjà, le baron de Simaise avait pris ses précautions pour surprendre la correspondance qui pourrait s’établir entre Charles Chevry et moi.
» Le misérable valet porta ma lettre, mais après que son maître l’eut ouverte et en eut pris connaissance.
» M. de Simaise a nié le fait effrontément. Mais s’il n’avait pas décacheté et lu ma lettre, comment deux bandits seraient-ils allés attendre le malheureux Chevry sur la route de Blaincourt ?
» Six jours après, je lus dans un journal de Paris, qui l’empruntait à une gazette du département des Vosges, le récit épouvantable du crime de Blaincourt.
» La mesure était comble. Mais j’étais mère. Ah ! si je n’avais pas eu mes enfants !… Il ne m’était pas possible de dénoncer mon mari, de le livrer à la justice, je ne pouvais que le fuir avec horreur.
» La scène qui eut lieu entre nous fut terrible. Que lui ai-je dit ? Je ne me le rappelle plus. Mais j’ai dû lui reprocher son ignominie avec une extrême violence, car, à un moment, il leva sa main sur moi ; cependant, il n’osa point me frapper.
» Après lui avoir jeté à la face le mépris, l’horreur et le dégoût qu’il m’inspirait, je lui déclarai que tout était fini entre nous, que je ne le connaissais plus, que j’allais immédiatement me retirer à Vaucourt avec mes enfants.
» – Soit, me dit-il en contenant sa fureur, mais en grinçant des dents, j’accepte cette séparation, je vous rends votre liberté entière ; seulement je ne vous abandonne pas nos deux enfants ; prenez votre fille, je le veux bien ; moi, je garde mon fils.
» Je m’emportai de nouveau. Je ne voulais pas laisser Raoul à un père indigne.
» Il m’interrompit brutalement.
» – Je garde mon fils, et c’est à cette condition seulement que je vous laisse libre !
» Je le menaçai.
» Il eut un éclat de rire strident, qui glaça mon sang dans mes veines.
» – Eh bien, me dit-il avec un calme féroce, dénoncez-moi si vous l’osez ! Au fait, ajouta-t-il avec une ironie qui me perçait le cœur comme la pointe d’un poignard, c’est le seul moyen que vous ayez d’être la maîtresse du sort de vos deux enfants.
» Je savais le baron de Simaise capable de tout ; j’eus peur, j’étais désarmée, vaincue. Je me résignai. Oh ! ce fut un douloureux sacrifice !
» Dans la nuit, je remplis plusieurs malles des objets qui m’appartenaient, et le lendemain matin, à la première heure, sans avoir prévenu personne, sans avoir dit adieu à la comtesse de Maurienne, ma meilleure amie, je quittai Paris, serrant ma fille dans mes bras et la couvrant de baisers et de larmes.
» Il y a de cela bien des années, monsieur, mais la plaie de mon cœur n’est pas fermée, elle est toujours saignante.