IV

ô splendeur de la chair ! ô splendeur idéale !

ô renouveau d’amour aurore triomphale

Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros,

Kallipige la blanche et le petit Éros

Effleureront, couverts de la neige des roses,

Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses !

ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots

Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,

Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,

ô douce vierge enfant qu’une nuit a brisée,

Tais-toi ! Sur son char d’or brodé de noirs raisins,

Lysios, promené dans les champs Phrygiens

Par les tigres lascifs et les panthères rousses,

Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.

Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant

Le corps nu d’Europé, qui jette son bras blanc

Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague,

Il tourne lentement vers elle son œil vague ;

Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur

Au front de Zeus ; ses yeux sont fermés ;

elle meurt Dans un divin baiser et le flot qui murmure

De son écume d’or fleurit sa chevelure.

– Entre le laurier-rose et le lotus jaseur

Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur

Embrassant la Léda des blancheurs de son aile ;

– Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,

Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,

Étale fièrement l’or de ses larges seins

Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,

– Héraclès, le Dompteur qui, comme d’une gloire,

Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,

S’avance, front terrible et doux, à l’horizon !

Par la lune d’été vaguement éclairée,

Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée

Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,

Dans la clairière sombre où la mousse s’étoile,

La Dryade regarde au ciel silencieux...

– La blanche Séléné laisse flotter son voile,

Craintive, sur les pieds du bel Endymion,

Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...

– La Source pleure au loin dans une longue extase...

C’est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,

Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.

– Une brise d’amour dans la nuit a passé,

Et, dans les bois sacrés, dans l’horreur des grands arbres,

Majestueusement debout, les sombres Marbres,

Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,

– Les Dieux écoutent l’Homme et le Monde infini !

Mai 1870

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