III

Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !

– Car l’Homme a fini ! l’Homme a joué tous les rôles !

Au grand jour fatigué de briser des idoles

Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,

Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux !

L’Idéal, la pensée invincible, éternelle,

Tout le dieu qui vit, sous son argile charnelle,

Montera, montera, brûlera sous son front !

Et quand tu le verras sonder tout l’horizon,

Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,

Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !

– Splendide, radieuse, au sein des grandes mers

Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers

L’Amour infini dans un infini sourire !

Le Monde vibrera comme une immense lyre

Dans le frémissement d’un immense baiser !

– Le Monde a soif d’amour : tu viendras l’apaiser.

ô ! L’Homme a relevé sa tête libre et fière !

Et le rayon soudain de la beauté première

Fait palpiter le dieu dans l’autel de la chair !

Heureux du bien présent, pâle du mal souffert,

L’Homme veut tout sonder – et savoir ! La Pensée,

La cavale longtemps, si longtemps oppressée

S’élance de son front ! Elle saura Pourquoi ! ...

Qu’elle bondisse libre, et l’Homme aura la Foi !

– Pourquoi l’azur muet et l’espace insondable ?

Pourquoi les astres d’or fourmillant comme un sable ?

Si l’on montait toujours, que verrait-on là-haut ?

Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau

De mondes cheminant dans l’horreur de l’espace ?

Et tous ces mondes-là, que l’éther vaste embrasse,

vibrent-ils aux accents d’une éternelle voix ?

– Et l’Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?

La voix de la pensée est-elle plus qu’un rêve ?

Si l’homme naît si tôt, si la vie est si brève,

D’où vient-il ? Sombre-t-il dans l’Océan profond

Des Germes, des Fœtus, des Embryons, au fond

De l’immense Creuset d’où la Mère-Nature

Le ressuscitera, vivante créature,

Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ? ...

Nous ne pouvons savoir !

– Nous sommes accablés

D’un manteau d’ignorance et d’étroites chimères !

Singes d’hommes tombés de la vulve des mères,

Notre pâle raison nous cache l’infini !

Nous voulons regarder : – le Doute nous punit !

Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile...

– Et l’horizon s’enfuit d’une fuite éternelle ! ...

Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts

Devant l’Homme, debout, qui croise ses bras forts

Dans l’immense splendeur de la riche nature !

Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure

Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour ! ...

– C’est la Rédemption ! c’est l’amour ! c’est l’amour ! ...

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