ISABELLE, DORANTE, ÉLIANTE, VALÈRE, LISETTE.
ISABELLE.
Ah ! vous voilà, Dorante !
De vous voir aussi peu je ne suis pas contente
Pourquoi me fuyez-vous ? Trop de présomption
M’a fait croire, il est vrai, qu’un peu de passion
De vos soins près de moi pouvait être la cause :
Mais faut-il pour cela prendre si mal la chose ?
Quand j’ai voulu tantôt, par de trop doux aveux,
Engager votre cœur à dévoiler ses feux,
Je n’avais pas pensé que ce fût une offense
À troubler entre nous la bonne intelligence ;
Vous m’avez cependant, par des airs suffisants,
Marqué trop clairement vos mépris offensants ;
Mais, si l’amant méprise un si faible esclavage,
Il faut bien que l’ami du moins m’en dédommage ;
Ma tendresse n’est pas un tel affront, je croi,
Qu’il faille m’en punir en rompant avec moi.
DORANTE.
Je sens ce que je dois à vos bontés, madame :
Mais vos sages leçons ont si touché mon âme,
Que, pour vous rendre ici même sincérité,
Peut-être mieux que vous j’en aurai profité.
ISABELLE, bas, à Lisette.
Lisette, qu’il est froid ! il a l’air tout de glace.
LISETTE, bas.
Bon, c’est qu’il est piqué ; c’est par pure grimace.
ISABELLE.
Depuis notre entretien, vous serez bien surpris
D’apprendre en cet instant le parti que j’ai pris.
Je vais me marier.
DORANTE, froidement.
Vous marier ! vous-même ?
ISABELLE.
En personne. D’où vient cette surprise extrême ?
Ferais-je mal, peut-être ?
DORANTE.
Oh ! non : c’est fort bien fait.
Cet hymen-là s’est fait avec un grand secret.
ISABELLE.
Point. C’est sur le refus que vous m’avez su faire
Que je vais épouser… devinez.
DORANTE
Qui ?
ISABELLE.
Valère.
DORANTE.
Valère ? Ah ! mon ami, je t’en fais compliment.
Mais Éliante donc ?
ISABELLE.
Me cède son amant.
DORANTE.
Parbleu ! voilà, madame, un exemple bien race !
LISETTE.
Avant le mariage, oui, le fait est bizarre ;
Car si c’était après, ah ! qu’on en céderait
Pour se débarrasser !
ISABELLE, bas, à Lisette.
Lisette, il me paraît
Qu’il ne s’anime point.
LISETTE, bas.
Il croit que l’on badine :
Attendez le contrat, et vous verrez sa mine.
ISABELLE, à part.
Périssent mon caprice et mes jeux insensés.
UN LAQUAIS.
Le notaire est ici.
DORANTE.
Mais c’est être pressés :
Le contrat dès ce soir ! Ce n’est pas raillerie ?
ISABELLE.
Non, sans doute, monsieur ; et même je vous prie,
En qualité d’ami, de vouloir y signer.
DORANTE.
À vos ordres toujours je dois me résigner.
ISARELLE, bas.
S’il signe, c’en est fait, il faut que j’y renonce.