SCÈNE VI.

LE NOTAIRE, ISABELLE, DORANTE, ÉLIANTE, VALÈRE, LISETTE.

LE NOTAIRE.

Requiert-on que tout haut le contrat je prononce ?

VALÈRE.

Non, monsieur le notaire ; on s’en rapporte en tout

À ce qu’a fait madame ; il suffit qu’à son goût

Le contrat soit passé.

ISABELLE, regardant Dorante d’un air de dépit.

Je n’ai pas lieu de craindre

Que de ce qu’il contient personne ait à se plaindre.

LE NOTAIRE.

Or, puisqu’il est ainsi, je vais sommairement,

En bref, succinctement, compendieusement,

Résumer, expliquer, en style laconique,

Les points articulés en cet acte authentique,

Et jouxte la minute entre mes mains restant,

Ainsi que selon droit et coutume s’entend.

D’abord pour les futurs. Item pour leurs familles,

Bisaïeuls, trisaïeuls, père, enfants, fils et filles,

Du moins réputés tels, ainsi que par la loi

Quem nuptiœ monstrant, il appert faire foi.

Item pour leur pays, séjour et domicile.

Passé, présent, futur, tant aux champs qu’à la ville.

Item pour tous leurs biens, acquêts, conquêts, dotaux,

Préciput, hypothèque, et biens paraphernaux.

Item encor pour ceux de leur estoc et ligne…

LISETTE.

Item vous nous feriez une faveur insigne

Si, de ces mots cornus le poumon dégagé,

Il vous plaisait, monsieur, abréger l’abrégé.

VALÈRE.

Au vrai, tous ces détails nous sont fort inutiles.

Nous croyons le contrat plein de clauses subtiles ;

Mais on n’a nul désir de les voir aujourd’hui.

LE NOTAIRE.

Voulez-vous procéder, approuvant icelui,

À le corroborer de votre signature ?

ISABELLE.

Signons, je le veux bien, voilà mon écriture.

À vous, Valère.

ÉLIANTE, bas, à Isabelle.

Au moins ce n’est pas tout de bon ;

Vous me l’avez promis, cousine ?

ISABELLE.

Eh ! mon Dieu ! non.

Dorante veut-il bien nous faire aussi la grâce ?…

(Elle lui présente la plume.)

DORANTE.

Pour vous plaire, madame, il n’est rien qu’on ne fasse.

ISABELLE, à part.

Le cœur me bat : je crains la fin de tout ceci.

DORANTE, à part.

Le futur est en blanc ; tout va bien jusqu’ici.

ISABELLE, bas.

Il signe sans façon !… À la fin je soupçonne…

(À Lisette.)

Ne me trompez-vous point ?

LISETTE.

En voici d’une bonne !

Il serait fort plaisant que vous le pensassiez !

ISABELLE.

Hélas ! Et plût au ciel que vous me trompassiez !

Je serais sûre au moins de l’amour de Dorante.

LISETTE.

Pour en faire quoi ?

ISABELLE.

Rien. Mais je serais contente.

LISETTE, à part.

Que les pauvres enfants se contraignent tous deux !

ISABELLE, à Valère .

Valère, enfin l’hymen va couronner nos vœux ;

Pour en serrer les nœuds sous un heureux auspice

Faisons, en les formant, un acte de justice.

À Dorante à l’instant je cède le pari.

J’avais cru qu’il m’aimait, mais mon esprit guéri.

S’aperçoit de combien je m’étais abusée.

En secret mille fois je m’étais accusée

De le désespérer par trop de cruauté.

Dans un piège assez fin il s’est précipité ;

Mais il ne m’est resté, pour fruit de mon adresse,

Que le regret de voir que son cœur sans tendresse

Bravait également et la ruse et l’amour.

Choisissez donc, Dorante, et nommez en ce jour

Le prix que vous mettez au gain de la gageure :

Je dépends d’un époux, mais je me tiens bien sûre.

Qu’il est trop généreux pour vous le disputer.

VALÈRE.

Jamais plus justement vous n’auriez pu compter

Sur mon obéissance.

DORANTE.

Il faut donc vous le dire,

Je demande…

ISABELLE.

Eh bien ! quoi ?

DORANTE.

La liberté d’écrire.

ISABELLE.

D’écrire ?

LISETTE.

Il est donc fou ?

VALÈRE.

Que demandes-tu là ?

DORANTE.

Oui, d’écrire mon nom dans le blanc que voilà.

ISABELLE.

Ah ! vous m’avez trahie !

DORANTE, à ses pieds.

Eh quoi ! belle Isabelle,

Ne vous lassez-vous point de m’être si cruelle ?

Faut-il encor…

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