SCÈNE II.

LE DEVIN, COLETTE.

Tandis que le Devin s’avance gravement, Colette compte dans sa main de la monnaie, puis elle la plie dans un papier, et la présente au Devin, après avoir un peu hésité à l’aborder.

COLETTE, d’un air timide.

Perdrai-je Colin sans retour ?

Dites-moi s’il faut que je meure.

LE DEVIN, gravement.

J’ai lu dans votre cœur, et j’ai lu dans le sien.

COLETTE.

Ô dieu !

LE DEVIN.

Modérez-vous.

COLETTE.

Eh bien ?

Colin…

LE DEVIN.

Vous est infidèle.

COLETTE.

Je me meurs.

LE DEVIN.

Et pourtant il vous aime toujours.

COLETTE, vivement.

Que dites-vous ?

LE DEVIN.

Plus adroite et moins belle,

La dame de ces lieux…

COLETTE.

Il me quitte pour elle !

LE DEVIN.

Je vous l’ai déjà dit, il vous aime toujours.

COLETTE, tristement.

Et toujours il me fuit !

LE DEVIN.

Comptez sur mon secours.

Je prétends à vos pieds ramener le volage.

Colin veut être brave, il aime à se parer :

Sa vanité vous a fait un outrage

Que son amour doit réparer.

COLETTE.

Si des galants de la ville

J’eusse écouté les discours,

Ah ! qu’il m’eût été facile

De former d’autres amours !

Mise en riche demoiselle,

Je brillerais tous les jours ;

De rubans et de dentelle

Je chargerais mes atours.

Pour l’amour de l’infidèle

J’ai refusé mon bonheur ;

J’aimais mieux être moins belle

Et lui conserver mon cœur.

LE DEVIN.

Je vous rendrai le sien, ce sera mon ouvrage.

Vous, à le mieux garder appliquez tous vos soins ;

Pour vous faire aimer davantage,

Feignez d’aimer un peu moins.

L’amour croit, s’il s’inquiète ;

Il s’endort, s’il est content :

La bergère un peu coquette

Rend le berger plus constant.

COLETTE.

À vos sages leçons Colette s’abandonne.

LE DEVIN.

Avec Colin prenez un autre ton.

COLETTE.

Je feindrai d’imiter l’exemple qu’il me donne.

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